Président fondateur de Parfum de Jazz il y a 21 ans, ce musicien atypique revient le temps d’un entretien sur cette dernière édition qui fait ses valises samedi soir
Alain Brunet. Trompettiste. Cheveux bouclés, lunettes colorées sur le nez. Baskets tonitruantes. Caractéristique : il est le fondateur et directeur artistique de Parfum de Jazz. 15 jours de jazz en Drôme provençale. Depuis 21 ans. Un festival itinérant qui part de Buis-les-Baronnies pour finir vers le Rhône à Saint-Paul-Trois-Châteaux, La Garde-Adhémar ou Pierrelatte. Un festival de ficelles qui ne tient en fait que par une équipe de 70 à 80 bénévoles qui se relaient durant toute l’année, façon course de fond, pour faire en sorte que le festival ait lieu. De Buis-les-Baronnies, berceau du festival, jusqu’à ces communes proches de la vallée du Rhône, qui s’associent pour la deuxième semaine du festival.
Au milieu de tout ça, Alain Brunet donc, au profil inexplicable : tour à tour musicien, haut-fonctionnaire, militant. Un jour aux côtés de Jack Lang, un autre, près de ces communes de la Drôme qui veulent attirer le monde tout en gardant leur identité. Il y a quatre jours sur la place de Buis-les-Baronnies en compagnie de l’orchestre programmé au concert de 18 heures. Ca marche.
D’aucuns diraient que le festival arrive trop tard dans la saison, à une époque où l’on ne pense déjà plus qu’à la « rentrée », aux cartables et à la morne saison qui se profile. A y bien regarder, au contraire, ils sont nombreux à profiter de cette arrière-saison pour arpenter une Drôme méconnue qui, avec le festival, s’est trouvée une belle caisse de résonance.
Quel bilan tirer de cette 21ème édition ? Echanges avec Alain Brunet….
Alain Brunet-L’édition nous satisfait en terme d’audience. Elle est nettement supérieure à celle de l’an dernier. En terme de qualité musicale, elle se hisse au niveau d’un festival de dimension nationale. Comme vous le savez, l’axe de notre programmation a toujours le souci de présenter des musiques accessibles au public. Je ne veux pas entrer dans les modes. Ce festival c’est l’histoire du jazz. Car le jazz a une histoire. Mais elle est mal connue. Et ce sont les musiciens que je veux mettre en évidence. Parfois, tel ou tel critique me fait remarquer qu’il n’y a pas d’unité dans la programmation. Mais si, il y a une unité qui est celle de l’histoire du jazz tout en élargissant vers d’autres horizons.
Des milliers de propositions tout au long de l’année
Comment sélectionnez-vous les artistes ou les groupes que vous programmez ?
Nous recevons des milliers de propositions tout au long de l’année. En priorité, nous retenons des formations dont le leader est une femme, qu’elle soit chanteuse ou instrumentiste, puisque le thème de Parfum de Jazz est, pour la seconde année consécutive, l’international Jazz Ladies Festival. Parmi les propositions, beaucoup émanent d’Europe et des Etats-Unis. Mais si vous regardez la programmation, vous voyez que nous avons des musiciens et des musiciennes originaires de tous les continents, sauf de l’Afrique subsaharienne.
Et parmi ces propositions, y’a-t-il des axes prioritaires ?
Oui, je m’attache à privilégier les instrumentistes. Car, depuis l’origine, on a en jazz, des chanteuses. Hier comme aujourd’hui. En revanche, les instrumentistes ont eu et ont plus de peine à se faire reconnaître comme des musiciens à part entière. Leur arrivée sur la scène du jazz est assez récente. C’est pourquoi on a pu entendre l’an dernier ici Géraldine Laurent ou cette année, Rita Payet, qui chante et joue du trombone, Line Kruse au violon ou Sophie Alour, à côté évidemment de Cécile McLorin Salvant.
Où en êtes-vous en terme de budget ?
C’est un petit budget qui tourne autour de 170 000 euros. Les « recettes » proviennent pour 55 000 euros de la billetterie, pour 38 000 des sociétés civiles, pour 34 000 des collectivités territoriales et pour 16 000 du mécénat. Plus quelques apports. C’est pourquoi la billetterie est importante : il suffit d’une mauvaise soirée pour cause de mauvais temps ou d’autre chose pour compromettre notre petit équilibre.
Un festival né de la rencontre et des retrouvailles d’amis de jeunesse
Qu’apporte un tel festival à un « pays », voire à plusieurs « pays », comme le fait Parfum de Jazz ?
Avant tout du plaisir aux gens de l’endroit ou aux touristes qui viennent et qui, souvent, prennent prétexte du festival pour réserver leurs dates. D’ailleurs, le maire de Buis-les-Baronnies me disait que de plus en plus de touristes restent ici au-delà du 15 août en raison du festival. Je remarque qu’on monte en puissance un peu plus chaque année.
Mais pour autant, le festival n’a pas d’objectifs. Il est né de la rencontre et des retrouvailles d’amis qui étaient venus jouer dans leur jeunesse à Buis-les-Baronnies. Tout a démarré il y a donc 21 ans : d’abord par un concert, puis par deux l’année suivante jusqu’à arriver à la semaine entière à Buis et dans les communes alentour.
Le modèle économique fait qu’on peut difficilement croître, ou alors il faudrait changer de modèle. On est sur le modèle du Marciac des origines, celui du Nouvelle Orléans dans le Gers.
Qu’en sera-t-il de la 22ème édition ? Toujours tournée vers les Jazz Ladies ?
Oui. Et j’aimerais bien faire venir You Sun Nah. Mais il faut faire très attention en raison des cachets pratiqués. Je n’oublie pas que pour le concert de Cécile McLorin, on a eu 358 entrées payantes.
Des soirées à deux plateaux au lieu d’un comme c’est le cas actuellement pourraient-elles changer les choses ?
Non, des soirées à deux plateaux n’apporteraient rien de plus. Le set unique, avec ou sans interruption au milieu, me semble la meilleure des formules, en temps et en unité.
Affiche : Bruno Théry à la manœuvre
Pour la première fois depuis que Parfum de Jazz, l’affiche du festival a vu intervenir Bruno Théry, connu notamment pour avoir réalisé pendant des années l’affiche-fétiche de Jazz à Vienne et celle d’A Vaulx Jazz. Comment vous est venue l’idée ?
C’est Pascal Derathé (de Jazz Rhône-Alpes) qui l’a suggérée. Nous sommes entrés en contact avec Bruno qui nous a soumis plusieurs modèles. Et on a choisi le thème qui, en effet, est cette année l’affiche de ce 21ème Parfum de Jazz. Elle a un impact considérable et révèle bien les vertus d’une affiche liée à un événement. Je suis également frappé par le nombre d’affiches que les gens nous achètent avant ou après les concerts.
Bis repetita l’année prochaine ?
Oui bien sûr.
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