Parmi les talents d’Antonio Farao, il y a sans doute d’abord celui de savoir s’entourer.
Excusez du peu : première soirée dans l’Amphi de l’Opéra, Daniel Humair est aux percussions et Heiri Koenzig à la basse.
A son pedigree, faut-il le rappeler, des gens comme Charlie Mariano, Johnny Griffin, Pifarély, Billy Hart, Galliano, Art Farmer, voire Billy Cobham. En fait, tout New York et des décennies d’improvisations. Et tout l’art du trio rassemblé dans le sous-sol de l’Opéra.
Un soir chasse l’autre. Facettes multiples : sacro saint principe de la résidence de l’Amphi. Cette fois, Antonio Farao convie deux de ses plus vieux complices à ses côtés, Jean-Pierre Arnaud aux drums et Darryl Hall à la contrebasse. L’art de savoir s’entourer. Mais, histoire de corser la chose, une fois le premier thème passé, convie sur scène Didier Lockwood.
C’est raisonnable : ils viennent de réaliser, tous les quatre, un CD dont ils livrent rapidement quelques touches au public du soir (salle complète, comme d’hab).
Résultat : pas celui qu’on attend forcément.
Le lyrisme en prise directe avec Bill Evans laisse la place à une autre cohésion que mène Lockwood d’un bout à l’autre.
Le violoniste se confie d’ailleurs au passage : cela fait des années qu’il n’a plus arpenté cette scène alternative qu’est l’Amphi.
Il s’en donne du coup à coeur joie. Ses sidemen apprécient. Violon omniprésent. Artiste souriant, dansant, costume bleu, communicatif. Fort bien. Blues. Bop. Swing.
On perd toutefois de vue au passage cette approche plus intimiste que livre volontiers le pianiste dans quelques-uns de ses albums de référence.
Soyons juste : le public apprécie. En redemande. Et, de fait, au détour d’un duo (la rythmique s’en est allée) ou de quelques impros, l’alliance entre le violon délicat et le piano en retenue dévore l’attention.
Un duo Linx/Farao très en verve
Le dernier jour de la résidence, samedi 14 janvier, était, lui, consacré au chanteur David Linx qui sur scène a reconnu d’entrée n’avoir pas eu de voix le matin même, pour cause de grippe. Qu’aurait-ce été alors !
Autre impondérable qui a aussi failli entraver ce dernier concert de la résidence du pianiste tansalpin, la section rythmique composée de l’excellent batteur d’origine allemande Guido May et du contrebassiste macédonien Martin Gjakonosvki est arrivée tardivement à Lyon pour cause de neige sur le tarmac. Ils n’ont donc pu répéter autant qu’ils l’auraient souhaité.
Là encore qu’aurait-ce été, alors !
Tel est le bonheur et le scintillement du jazz qui est l’art de l’improvisation et c’est souvent lors de tels cas, dans un certain imprévu que fusent les meilleures notes.
Il faut dire que nous étions à bonne école, Antonio Farao, comme on put le constater ce soir là particulièrement est brillant dans l’improvisation ; tout autant que dans la composition.
Adepte d’un « scat » très particulier, David Linx se défend aussi pas mal de ce côté là. Ces deux là ne pouvaient que bien s’entendre. D’où à la clef, quelques jolies étincelles des deux côtés.
David Link interpréta une composition du pianiste italien, mais aussi quelques standards du jazz dont un « Round Midnight » revisité en français et en anglais de la plus belle et tendre manière.
Même avec un minimum de répétition, la section rythmique s’harmonisa avec force créativité avec le duo qui put alors donner libre cours à une furioso latino qui transporta le public de l’Amphi Jazz dans le jardin d’Eden.
Une soirée d’autant plus belle, s’agissant d’une résidence, que l’on sait qu’elle a peu de chance de se reproduire…
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