Mardi 13 octobre au soir, quelques minutes avant le début du concert, je pénètre dans la salle « La Passerelle » de l’ancienne Manufacture de Saint-Etienne.
Le site m’intrigue. Des poutrelles métalliques apparentes, des palans, autant de détails qui montrent bien le passé du lieu.
Dans cette salle, toute en longueur, des gradins font face à la scène. Au centre de celle-ci, les saxophones, batterie, trompettes et tubas du quartet attendent bien sagement Damien Sabatier, Emmanuel Scarpa, Colin Bozio et Olivier Noureux. Autour de ce cœur, sont disposés, en arc de cercle, les pupitres que rejoindront plus tard les élèves.
Une disposition destinée à une interaction maximum entre le noyau et sa périphérie qui l’enveloppe comme un cocon.
Le quartet arrive d’abord seul, pour quelques compositions et reprises de Bill Frisell. En quelques titres, il multiplie les styles, les ambiances, les formes et les timbres. On voit passer pêle-mêle musette déjantée aux airs de chanson française, Jazz expérimental à la Steve Coleman et Jazz New Orleans.
La musique est dense, inventive, complexe. J’ai envie de lui appliquer des termes de peinture. Le groupe semble organiser, modeler la matière sonore. Il tisse, superpose, télescope, les fibres musicales, les couches de couleurs.
Les morceaux commencent parfois par des sons épars, des souffles, bruissements, claquements, growl et bruits de bouche. Puis le chaos s’organise. Cette musique organique pulse comme un cœur au rythme du tom basse, des improvisations folles se succèdent, telle celle du tuba, métamorphosé pour un instant en chanteur d’opéra.
Le quartet s’interrompt ensuite et deux musiciens partent pour aller chercher les élèves. Impossible de dire combien de temps s’est écoulé depuis le début du set.
Le sound painting, il fallait y penser !
Cette première partie passée, je me dis: « Mais comment vont-ils faire pour jouer une musique aussi dense avec les élèves ? ».
Les deux musiciens reviennent par deux entrées différentes, suivis en une marche solennelle par des étudiants des conservatoires de Saint-Etienne, Saint-Chamond, Grand-Croix et Givors. Tout en jouant, tous les musiciens (clarinettes, flûtes, saxophones, trompettes …) prennent place autour du quartet.
Et là, j’obtiens ma réponse: ils vont le faire par le sound painting !
Le centre ou plutôt l’ossature des morceaux, est assuré par le quartet et celui-ci détache successivement chacun de ses membres pour endosser la direction de l’orchestre par des gestes qui suivent les codes du sound painting.
Cette technique consiste pour le chef d’orchestre à créer la musique en temps réel, sans partition, en guidant l’orchestre par des gestes qui dictent l’intensité, les mouvements harmoniques, les effets à réaliser …
Les jeunes musiciens réagissent admirablement aux sollicitations du quartet et la musique produite par cette ensemble reste de très haute volée. Certains élèves se fendent même de belles improvisations.
Toujours très riche, on pense au classique (par les instruments utilisés), au rock (on pense à Bohemian Rhapsody de Queen), aux musiques des Balkans, aux musiques de film, la musique de l’orchestre se fait même plus théâtrale, plus inquiétante, avec un petit côté Tim Burton.
Le projet Rhinoversize s’est révélé être une vraie réussite. Avec lui, le Rhino Jazz Festival confirme son rôle important d’acteur local dans une région décidément très dynamique sur le plan musical.
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