Trente ans durant, l’artiste aura fourni à Jazz à Vienne son identité visuelle, cette affiche qui, un jour, débaroulait, sur les panneaux d’affichage de Lyon, Rhône Alpes ou de Paris. Faut-il le rappeler ? Bruno Théry aura disposé durant trois décennies d’une totale « carte blanche » de la part du festival. Beaucoup s’en souviennent…..
Il faut imaginer : alors que le printemps traînait encore la patte, que les vacances étaient encore loin et que Vienne commençait seulement à s’ébrouer, éclatait tout à coup au détour des rues, des places et des carrefours, une myriade de bouquets colorés, sur des affiches « 4 par 3 » : c’était l’affiche de la nouvelle édition du festival Jazz à Vienne. Un évènement.
Reconnaissable d’un seul coup d’oeil
Signée Bruno Théry. Reconnaissable d’ un seul coup d’oeil. Un monde à part où la musique avait sa part mais pas seulement. Détonnant. Malicieux. Provoquant. Et surtout, captivant le regard. Ainsi, trente ans durant, cet artiste, entré par la petite porte à Jazz à Vienne, en est très sûrement devenu l’identité visuelle, par cette affiche qui, de Rhône Alpes à Paris et ailleurs, annonçait l’arrivée du premier grand évènement jazz estival. « Jazz à Vienne ».
Sans vraiment se focaliser sur le jazz ou la musique, Bruno Théry réussissait chaque année à illustrer ainsi d’une façon inédite l’édition qui arrivait. Développant un monde imaginaire, drôle, décapant, irrespectueux, et surtout coloré mais qui, selon nous, faisait mouche à tout coup.
Faire une affiche ? « Je ne m’en sentais pas capable »
Pourtant Bruno Théry, même s’il était passé par les Beaux-Arts de Marseille et de Lyon, ne se sentait pas, au départ, le gabarit d’un affichiste. Il l’expliquait très bien dans une interview de la Documentation nationale et la Bibliothèque de Lyon : « Entre autres, expliquait-il, j’ai exposé à Paris dans une galerie rue du Faubourg Saint-Honoré à deux pas de l’Etoile et du quartier des grandes agences de communication, et donc de Promo 2000. Son directeur Lionel Chouchan et créateur du festival d’Avoriaz m’a acheté un tableau et a réalisé dans son agence une affiche pour ce prestigieux festival avec ma peinture. Ce fut ma première affiche et un signe car c’était le festival du « Cinéma Fantastique ». Et Bruno Théry d’ajouter : « A l’époque, lorsque l’on me demandait de réaliser une affiche je refusais car je ne m’en sentais pas capable. Après ce hasard, j’ai considéré que je pouvais tenter de gagner le budget qui y était souvent alloué, et de profiter de ces occasions pour réaliser des tirages papier des peintures car j’adorais les lithos et autres sérigraphies ».
Un jour, la rencontre avec Jean-Paul Boutellier
C’est ainsi qu’un jour, il rencontre Jean-Paul Boutellier….On connait la suite. La collaboration va durer trente ans, la présentation de l’affiche au public devenant chaque année l’un des signes précurseurs les plus frappants de l’arrivée du festival.
Jazz à Vienne a récemment décidé, comme on le sait, de mettre fin à cette collaboration. Le plus tragique sans doute dans cette permutation est la disparition, dans le fond de scène du Théâtre Antique, de cette affiche démesurée qui encadrait et ornait les formations, du premier soir jusqu’à la « All Night ». Jamais la même ; un mélange de comédia del ‘Arte, de bal masqué, de bestiaire démesuré et de fantaisie à tous crins. Désormais, trône un banal triangle devenu le « logo », la signature de l’évènement, répétée à l’envie, dépourvue cette fois de toute improvisation ; bref, rentrée dans le rang. Ici, on touche aussi du doigt, toute la complexité du travail d’affichiste, art à part entière, plus éloigné qu’on ne le croit de celui de la bande dessinée.
Résumer et illustrer un monde qui va et vient
A y bien regarder, chaque année, Bruno Théry aura tenté de résumer dans son affiche un monde qui va et vient, ne se fixant aucune limite, ne s’interdisant aucun thème. Faut-il rappeler combien l’affiche du bébé têtant le sein avait, curieusement, provoqué mille cris d’orfraie lors de sa publication ? C’est peut-être aussi cela l’art de faire mouche, de résumer en un seul dessin, en un seul trait, les contradictions d’un monde qui va….et qui sait que Jazz à Vienne lui est promis. Enfin.
Même aujourd’hui, quelques détails de ces affiches ne sont pas anodins. Et pour tous ceux qui ont eu à tâter de l’imprimerie, des caractères, des « polices » et des « chasses », on examinera avec attention la façon dont Bruno Théry écrivait sur l’affiche définitive les trois mots fatidiques : « Jazz à Vienne ». Prenant sa plus belle plume. On l’imagine concentré, pesant avec retenue les pleins et les déliés qui allaient figurer sur l’affiche. Pas une seule fois, pas une seule année, il n’aura repris l’écriture de l’année précédente. Chaque fois, au contraire, il aura inventé une nouvelle façon d’écrire « Jazz à Vienne ».
Mais, à y réfléchir, quoi de plus logique dans un univers où l’improvisation est reine ?
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