La première chose qui frappe en arrivant au Poët-Laval Jazz/s Festival, c’est le cadre. Un petit bout de village médiéval en pleine nature, une « salle » en extérieur, la cour des commandeurs, entourée de murailles dont celles de l’ancienne commanderie des Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem. Le décor est planté. Au milieu de tout cela une équipe souriante et efficace gère les flux de spectateurs, les billets, les repas …
Place à la musique
En première partie de cette dernière soirée, le festival a invité le Guillaume Barraud Quartet. Le leader, à la flûte bansuri, est accompagné par Tam de Villiers à la guitare, Johann Berby à la basse et Xavier Rogé à la batterie.
Le groupe pratique un bon jazz rock agrémenté de musique indienne. Sans être connaisseur, il est difficile de juger de l’ampleur des emprunts aux musiques du sous-continent dans les compositions du quartet (métriques impairs, gammes particulières …). Force est de constater cependant que le mélange fonctionne bien!
Le côté rock tient au guitariste principalement. Tam de Villiers est de cette nouvelle génération qui donne l’impression de s’être nourrie aussi bien de Jazz que de Rock. Son jeu est une telle fusion de ces deux styles que l’on serait bien en peine d’y différencier les deux. Avec lui l’écrit et l’improvisé se confondent également, tant son discours est fourni et travaillé. Très inspiré sur les improvisations, on pourrait l’écouter des heures travailler la matière sonore, tantôt léger et éthéré, à la Bill Frisell, tantôt incisif sur les passages en distorsion.
La musique indienne, quant à elle, est présente par le flutiste essentiellement (d’ailleurs formé directement à Mumbai pendant cinq ans). Guillaume Barraud est surprenant sur sa petite flûte en bambou. Les sons qu’il tire de son instrument sont parfois ronds, pleins de grain ou d’harmoniques, parfois tranchants et proches de la flûte traversière (sur les passages en scat). Il développe de jolies ambiances tantôt planantes comme sur l’introduction de « Réunion », tantôt inquiétantes comme sur « Wandering spirit ».
La rythmique (basse / batterie) n’est pas en reste. Très polyvalente et terriblement efficace, elle insuffle énormément d’énergie aux compositions. Elle interagit également beaucoup avec les deux autres musiciens. La basse joue ainsi des lignes mélodiques qu’elle vient mêler à celles de la flûte ou de la guitare. Le batteur les taquine également par des jeux rythmiques. Le guitariste et le flutiste en rajoute en dialoguant énormément entre eux. L’interaction entre les musiciens est constante et les instruments sont tellement intriqués que l’on a la sensation que l’on ne pourrait rien ajouter de plus à ce que joue le quartet.
En somme, un groupe équilibré et dense et qui a des choses à raconter, merci pour ce voyage!
Maestro … solo ?
En deuxième partie de soirée, c’est au tour du Shai Maestro Trio. Pour seconder le pianiste, Petros Klampanis est à la contrebasse et Francesco Ciniglio à la batterie. Le groupe joue des compositions des divers albums du pianiste, notamment celles du dernier « The Stone Skipper », ainsi que plusieurs titres de « The Road to Ithaca ».
Assurément, Shai Maestro est un charmeur, tant par ses mélodies délicates que par son physique et son français impeccable. Situés entre ce qu’il pouvait proposer chez le contrebassiste Avishai Cohen et Ludovico Einaudi, ses thèmes flirtent également avec le classique. Il en propose d’ailleurs d’intéressantes relectures en live.
Le pianiste est également un homme d’intensité. Après des thèmes plutôt calmes, ambiance intime du trio jazz pour certains, il aime développer de jolies improvisations, qu’il mène, allant crescendo, jusqu’à la rupture. Ses partenaires semblent moins assurés, le contrebassiste paraît plutôt mal à l’aise et le batteur trop rare et discret, quoiqu’intéressant sur les improvisations.
A dire vrai, Shai Maestro n’a pas paru bien entouré pour ce concert. Le groupe s’est beaucoup cherché, pour ne se trouver qu’en de rares occasions. Le pianiste a semblé porter seul les morceaux, guidant aussi bien sur les structures que sur les façons de jouer et éclipsant souvent la basse de sa main gauche.
Quoi qu’il en soit, Shai Maestro est jeune et plein d’avenir. Tout comme ce festival de Poët-Laval Jazz/s à qui l’on souhaite une bonne continuation et à l’année prochaine!
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