Dans cette revue de septembre, si vous ne le connaissez pas encore, découvrez le guitariste finlandais Kalle Kalima. Les pianistes Iiro Rantala et David Helbock proposent de leur côté de beaux de beaux disques en solo. Le saxophoniste Bill Evans est à l’honneur avec l’édition d’un concert allemand de 2011 avec le WDR big band de Cologne.
Et puisqu’il y a un nouveau Coltrane et un nouveau Miles, il nous a semblé judicieux de les écouter pour le meilleur et pour le pire….
KALLE KALIMA – KNUT REIERSRUD . Flying like eagles
Act
Kalle Kalima : guitare
Knut Reiersrud : resonator, guitare, guitare lap steel, harmonica
Phil Donkin : basse
Jim Black : batterie
Le guitariste finlandais revient dans ce nouveau Cd à des fondamentaux de la musique pop/rock auquel il ajoute des morceaux issus des traditions américaine et amérindienne. Avec une rythmique épaisse (Phil Donkin & Jim Black) mais pas sans nuances ni audace, accompagné de l’inconnu de service, l’épatant Knut Reiersrud, grand concepteur d’ambiances, il utilise ces plages iconiques du XXème siècle en recréant une musique climatique emplie de variations subtiles sans pour autant négliger l’aspect brut que peut prendre le rock. Sa version lentement étirée du mythique « Hotel California » (la reprise casse-gueule par excellence) résume bien son goût pour le dense et l’aérien. Le temps, là, s’allonge puis se contracte avec ce qu’il faut d’espace pour que l’on perçoive le silence sous-jacent. Pas de virtuosité déplacée dans cet album. Seulement de la musique sensible faite par des musiciens amoureux de l’émotif. Un cœur bat dans ces mélodies aux accents bluesy marqués. L’errance à la Kerouac s’y complait également ; la présence du lien avec la nature des peuples autochtones est évocateur et ajoute une couche supplémentaire à ce palimpseste romanesque sinon poétique. Kalle Kalima est assurément porteur d’un chant original, non dénué de mystère, et ses créations, comme ses re-créations, sont toujours pertinentes. On ne saurait trop vous recommander de l’écouter. Et pas seulement ce disque.
JOHN COLTRANE . Blue world
Impulse !
John Coltrane : saxophone
McCoy Tyner : piano
Jimmy Garrison : contrebasse
Elvin Jones : batterie
Le 24 juin 1964, entre l’enregistrement de « Crescent » et de « Love supreme », Coltrane enregistra cette session avec son quartet classique pour un film de Gilles Groulx réalisé à la manière de la nouvelle vague. Blue World contient aussi des nouvelles prises de classiques du saxophoniste telle « Naima », ou encore trois versions de « Village Blues » et une de « Like Sonny », deux titres de son sixième album Coltrane Jazz et pour finir « Traneing » In gravé pour la première fois avec le Red Garland Trio en 1958. Si le saxophoniste et ses acolytes sont musicalement en forme (on en attendait pas moins), les titres joués dans cet album n’ont pas la puissance révélée ailleurs dans d’autres enregistrements aujourd’hui mythiques. Bref, c’est un peu pépère, un peu court (huit plages en 37 minutes), agréable à l’oreille et nullement indispensable ; sauf si, intrinsèquement, vous êtes un admirateur inconditionnel et éperdument transi d’amour dès lors que l’on prononce les deux mots magiques : John Coltrane ! Alors là, votre patience sera mise à rude épreuve d’ici au 27 septembre, jour de sortie de la pépite. Réécoutez donc le Live in Seattle en attendant. Le contraste n’en sera que plus saisissant.
https://en.wikipedia.org/wiki/John_Coltrane
MILES DAVIS . Rubberband
Rhino
Vince Wilburn Jr, gardien du temple davisien et théoriquement batteur de son état, a osé. Sans une once de respect pour son mythique oncle, il est allé racler le fond de la poubelle ou Miles avait laissé ces sessions inabouties enregistrées durant l’hiver 1985-1986, sessions sur lesquels il devait inviter Chaka Khan et Al jarreau, histoire de rentabiliser son changement de maison de disque. Elles devaient de peu d’intérêt pour lui, même son nouveau label n’en voulut pas, et il se consacra dans la foulée à « Tutu », réalisé avec Marcus Miller, album dont le succès ne fut pas usurpé bien qu’aujourd’hui encore tout le monde ne soit pas d’accord à son propos. Concernant « Rubberband », l’on ne peut même pas parler d’inédit puisque certains avaient déjà été dévoilés ces dernières années et qu’une partie de la musique a été réalisée aujourd’hui et collée sur l’existant, avec notamment des célébrités chantantes du moment, Lalah Hathaway et Ledisi (qui sont-elles ?), entre autres. Et le résultat me demanderez-vous ? Un bidouillage assez pitoyable et proche de l’insignifiance. Dans un genre périphérique, Davis a fait beaucoup mieux. La plage 3 notamment, qui pourrait servir de bande son à une pub Nescafé, est un chef d’œuvre de mièvrerie. Mais ce n’est pas la seule hélas. Les rares morceaux qui surnagent sont ceux que Miles avait intégrés à ses sets sur scène et il savait pourquoi, n’est-ce pas ? Allez, en y réfléchissant un peu, la peinture de Miles qui sert d’illustration à la pochette est le seul véritable plaisir que nous a donné ce truc indigne qui fleure bon le business façon grosse machine à dollars sonnants et trébuchants. Et miles dans sa tombe, comme nous entre les enceintes, de s’exclamer : « famille, je vous hais ! » A côté de ça, le nouvel inédit de Coltrane, Blue world qui n’est pas tout de même transcendant, fait figure de merveille. Tiens, dans deux ou trois ans, si le Vince retrouve dans un tiroir un poème de Miles écrit pour sa maîtresse d’école en 3rd grade, qu’en fera-t-il ? Un opéra soul funk ? A moins d’être la proie d’un masochisme pur et dur, il nous semble impossible d’écouter ce produit commercial qui a tout de la soupe indigeste. Vous pouvez néanmoins l’offrir à votre belle-mère (en mp3, c’est moins cher) afin d’alimenter la retraite dorée du vénal neveu.
IIRO RANTALA . My finnish calendar
Act
Iiro Rantala : piano
On ne présente plus le pianiste finlandais Iiro Rantala. Inspiré depuis toujours par toutes les musiques, il mène une carrière aux accents musicaux protéiformes mais l’ensemble est pourtant artistiquement cohérent. Comme toujours fin et délicat, en un mot élégant, son « finnish calendar » nous racontent une seule histoire en douze thèmes au sein desquels les états d’âmes finnois se succèdent entre mélancolie atmosphérique et humour spontané. Cet album solo s’écoute en fait comme la bande originale d’un bout du monde nordique. L’une des qualités premières du pianiste, c’est certainement sa capacité à susciter chez l’auditeur les images grâce à une vision personnelle de la musique. Est-ce sentimental ? Oui, certainement, mais sans affectation ni préciosité. Tout au long du disque, les mois s’égrenant un à un, la météorologie mélodique se modifie au gré des climats. L’on n’est pas là dans une région de la planète parcourue d’ouragans et autres tornades. La musique est donc subtilement changeante et la faculté d’Iiro Rantala à glisser avec adresse et intelligence des détails harmoniques saillants la rend à tout moment digne d’une écoute approfondie, écoute que l’on réitère depuis la découverte de l’album avec un réel plaisir.
BILL EVANS . The east end
Jazzline
Bill Evans : saxophone ténor et soprano
Etienne Mbappé : basse
Wolfgang Haffner : batterie
& le WDR Big Band Cologne
Pas vraiment une nouveauté, cet enregistrement en public de Bill Evans (pas celui avec une seringue, l’autre, avec un bandana sur la tête) puisqu’il date de 2011, du 17 février pour être précis. Avec Etienne Mbappé à la basse et Wolfgang Haffner à la batterie, ce serait un peu juste pour nous intéresser. Funky-fusion-et tutti quanti, un peu de temps à autre, mais il ne faut pas exagérer non plus. Mais les trois précités sont accompagnés par WDR big band de Cologne et cela change la donne. Considérablement. On passe ainsi de la petite citadine sans option à la berline de luxe avec cuir et ronce de noyer grâce au talent de cet orchestre, dirigé par Michael Abene, et de ses solistes. Comme on dit, le WDR pousse au cul le trio de base et oblige son conducteur au sans faute. Et comme Bill Evans, que l’on aime ou non sa musique, est doué, voire plus, le résultat est loin d’être désagréable. C’est bien évidemment musical, mélodique et extrêmement carré, un peu trop pour notre goût personnel. Mais il faut pour tout le monde et nombre d’auditeurs apprécieront cette musique très côte ouest et eighties ensoleillées qui ne démérite aucunement. C’est une archive de qualité.
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