Une semaine de rêve, de Jeremy Pelt à Robin McKelle, d’Immanuel Wilkins à Brad Mehldau mais aussi avec Jacques Schwarz-Bart, Bernard Lubat et Sylvain Luc, Shedrick Mitchell, Willie Jones et Jany McPherson
Jazz en Tête – Clermont-Ferrand – 36ème édition. Une merveille de densité : cinq jours, cinq soirées, cinq panoramas de la scène jazz actuelle. Année après année, Jazz en Tête s’ingénie en effet à attirer à lui ce que le jazz produit de plus significatif. A l’instant. Une façon de coller à l’actualité, chaque soirée se chargeant de faire briller une étoile particulière : piano solo, scène new-yorkaise, voix aboutie, le sax ou la trompette dans ce qu’ils ont de plus innovant…..
Cette année, on est servi.
A Brad Mehldau d’ouvrir le bal. Au fil des ans, le pianiste, familier de Vienne comme de Lyon, ne cesse de se renouveler. Ici, il sera en solo, un exercice plus exigeant puisqu’il s’agit d’emmener le spectateur sur des chemins forcément intimes et instantanés.
Suivront deux soirées où les cuivres seront rois. Depuis Jacques Schwarz-Bart jusqu’au trompettiste Jeremy Pelt. Les deux ont déjà connu les honneurs de Jazz en Tête il y a une vingtaine d’années. Depuis, beaucoup d’eau et d’albums ont coulé. C’est précisément à la découverte de son dernier opus, The Harlem Suite que Jacques Schwarz-Bart nous invite, entouré de Gregory Privat (p), Reggie Washington (cb) et Arnavo Dolmen (dr).
Jeremy Pelt a pour sa part quelque chose d’incontournable et de prolifique ; s’il est aujourd’hui l’un des piliers les plus sûrs de la scène new yorkaise, il s’inscrit surtout dans la durée. Il est loin le temps où nous l’avions découvert à Lyon le temps d’un set hivernal ou l’époque où il enregistra en leader son premier album (en 2002). Sans compter ses multiples apparitions aux côtés d’une bonne partie de la scène jazz (dans des dizaines d’albums, dont Wayne Shorter il y a 20 ans).
ureux de présenter Water and Earth, en quintet (en majorité le même que celui qui sera mercredi à Clermont). Du Sunside à Tourcoing en passant (dimanche) par le Crescent de Mâcon, le trompettiste a un discours bien à lui. Une façon de nous emmener dans son intimité, de revisiter l’instrument, voire de le dépasser ou de le contourner en chantonnant.
Immanuel Wilkins : un art de la légèreté
Même place, le lendemain : voici Immanuel Wilkins. Devenu en quelques mois une référence de son instrument. Omega, son premier album, est sorti il y a 3 ans. Un coup de maître : des trouvailles pointillistes, une façon de poser l’instrument au milieu des trois autres, un art de la légèreté. Derrière, on perçoit surtout une ambition d’aller au-delà, de réinventer un chemin, une sonorité, un monde. Tel ce « The Dreamer », où la contrebasse mène le bal, face à un piano et un saxophone discret. Là encore, un son détonnant, affiné au contact de nombreux musiciens qui laissent des traces comme Marsalis. Mais le jeune homme ne s’est pas arrêté là. A Jazz en Tête, on sera aussi attentif aux trois autres membres du quartet : Micah Thomas au piano, Rick Roasato à la contrebasse et Kwekv Sumbry aux drums. L’osmose est palpable, immédiate, et séduisante.
Robin McKelle dans les pas de la grande Ella
Dans un tout autre genre, Jazz en Tête retrouve donc Robin McKelle pour un concert qui n’a rien d’anodin. Celle qui s’est attaquée à tous les styles procède ici à un retour aux sources. C’est au printemps dernier qu’est sorti son dernier disque qui a pour sujet central Ella Fitzgerald. Comme si ce n’est qu’après tant d’années, d’albums, de concerts et de rencontres qu’elle se sentait prête à aborder ce personnage mais aussi ce patrimoine. Nous convainquant un peu plus qu’une voix traduit fidèlement les fêlures, les joies, les tristesses de tout un chacun. D’où son mystère.
Au passage, on sera aussi attentif à cette incursion de Bernard Lubat aux côtés de Sylvain Luc pour un pas de deux forcément original, à l’installation au piano de Shedrick Mitchell, lui aussi en solo, une première à Jazz en Tête qui l’a déjà accueilli à trois reprises. Et, surtout à l’arrivée tout sourire de Jany McPherson en trio, brin de Cuba pour fin de saison. Enfin, se souvenir, au moment de son entrée en scène, que le drummer Willie Jones III, ici en quintet, a escorté par le passé quelques monstres dont Hank Jones et Sonny Rollins. Il a le bon goût d’avoir attiré à Clermont-Ferrand sur la scène Renée Neufville. Une belle façon de conclure l’édition.
* Jazz en Tête, de mardi 24 à samedi 28 octobre. Concerts à la Maison de la Culture de Clermont-Ferrand. Egalement expositions, rencontres, et tous les soirs à partir de 22 h 30, jam sessions organisées par Jazz en Tête au Bar « Le Festival » de l’Hôtel Oceania. Entrée libre.
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