C’est avec un plaisir non feint que les habitués ont retrouvé le chemin de la Maison de la Musique et de la Danse de Valence. Pour cette nouvelle saison, la JAV s’est associée au Théâtre de la Ville de Valence qui co-organise certaines dates, soutient (par la vente de billets JAV au théâtre notamment) et diffuse la programmation JAV dans son réseau.
Double écran
Premier invité du cru 2019-2020, le quartet d’Emile Parisien (saxophone soprano) avec Julien Loutelier à la batterie, Ivan Gélugne à la contrebasse et Julien Touéry au piano. Une formation soudée qui a déjà bien tourné sur le répertoire le Double Screening (Act, 2018). Cette expérience est palpable, ne serait-ce que par la décontraction incroyable et la réactivité dont font montre les musiciens sur des morceaux pourtant bien touffus. Mises en place millimétrées, ruptures de rythmes, déluge de textures et de sons sollicitent et bousculent l’auditeur constamment, jusqu’au vertige presque. Etre à l’aise sur des morceaux pareils n’est pas à la portée du premier musicien venu et le groupe y parvient haut la main.
Au-delà de ce foisonnement musical, ce qui frappe c’est la capacité du quartet à faire entendre, au milieu d’une musique complexe et moderne, une voix claire et pleine d’émotions où les racines du Jazz et du Blues sont bien présentes. Alors qu’à l’écoute de la formation, on pense à Wayne Shorter et Steve Coleman, lorsqu’Emile Parisien prend la parole sur un thème ou une improvisation, c’est plutôt Charles Lloyd qui vient à l’esprit. Un son chaud, rond, dépourvu de cette nasalité qui peut parfois irriter chez les saxophonistes soprano, et une voix sincère et généreuse qui pousse la chansonnette au milieu du « chaos ». Idem pour le pianiste, capable de folles audaces sur piano préparé et accords alambiqués, il évoque le lyrisme de Brad Meldhau et Keith Jarrett sur ses parties solos.
Jazz 2.0
Double screening, Spam n°1 et 2, Hashtag, Malware Invasion, Eddy Long Legs… Tout au long des morceaux issus de son dernier album, le groupe multiplie les ambiances et les transitions. La section rythmique, en béton armé, soutient tour à tour des solistes tous solides et inspirés, au plaisir communicatif. Et quelle imagination débordante! Où vont-ils chercher de pareilles trouvailles sonores? Tout le monde participe, le batteur avec ses percussions improbables remplit l’espace d’une pluie de son, le pianiste utilisent des morceaux de ruban adhésif et met les mains dans les cordes, le saxophoniste tord sa matière sonore. Au milieu de tout cela, le contrebassiste, imperturbable, joue des walking-bass « rouleau compresseur » pour mieux basculer un instant plus tard dans des phrases à l’archet envoûtantes et d’une précision folle.
Le quartet d’Emile Parisien a donné sans compter à son public, interprétant un répertoire à l’image de notre époque où tout est pensé et vécu en accéléré. Un concert intense donc, jouissif au point que certains ont dû le trouver trop court !
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