Christian Scott, le 30 juin : tout d’une perle…
Il existe des soirées à Jazz à Vienne, comme celle du vendredi 30 juin où tout semble sens dessus-dessous ; mais où, in fine, tout se termine bien, voire même plus que bien…
Il était prévu à l’origine qu’Ahmad Jamal se produise en 2ème partie. L’important retard pour cause d’avion raté du trompettiste Christian Scott et de sa formation amena l’équipe du festival à intervertir au dernier moment les deux plateaux.
Devant opérer la balance au changement de plateau face à un public qui s’impatientait, Christian Scott s’épancha longuement sur ses déboires du jour.
Mais une fois qu’il s’est tu pour emboucher son instrument, on resta coi. Le trompettiste louisianais a tout d’une perle. Il a trouvé avec sa trompette coudée le son qui le distingue des autres, avec son timbre chaud et des notes aussi rondes qu’un bon vin après quelques années de cave.
Après avoir collaboré avec McCoy Tyner, Prince, ou Marcus Miller, excusez du peu, il est déjà aux Etats-Unis la coqueluche des amateurs de jazz moderne. Gageons qu’il va vite devenir celle des jazz fans français.
Ahmad Jamal le 30 juin : Marseille en beauté
L’une des plus belles soirées jazz du festival. Le pianiste en trio pour revenir sur ce « Marseille » dévoilé à Marciac l’an passé. Le set signait le retour aux côtés du maître de James Commack à la contrebasse. Outre Herlin Riley aux drums, le trio comptait aussi en renfort le percussionniste Manolo Badrena devant un parterre d’instruments.
Ce fut excellent même si on restait dans un genre d’antichambre musicale de qualité mais dépourvue d’âme. Le temps de deux morceaux, la chanteuse Mina Agossi et le rappeur Abd-Al-Malik ont été conviés aux côtés du quartet. Trop court à notre goût, surtout pour Mina qui n’a eu droit qu’à un tour de chauffe.
Pharoah Sanders le 3 juillet : une musique inspirée
La soirée était consacrée à John Coltrane. Quoi de mieux que Pharoah Sanders, l’un des derniers sidemen de Coltrane, pour évoquer le saxophoniste.
Encore une des soirées jazz du festival et une longue soirée puisque après lui arrivait un curieux duo constitué d’Emile Parisien et de Jeff Mills aux claviers.
Curieux comme le saxophoniste arrive à se rétablir en toute situation. Il sut éviter le discours morne, creux, répétitif pour proposer une musique inspirée. Un joli travail.
French Touch le 4 juillet : Séduisant
Emile Parisien et Vincent Peirani encore. Mais cette fois pour revenir sur la musique de Joe Zawinul. A la différence de leur récent concert à Fort en Jazz, ils avaient reçu du renfort (Mino Cinelu et Manu Codjia notamment).
Mais le set nous aura d’autant plus séduit que pour la circonstance, Emile Parisien avait mobilisé deux des anciens musiciens de Zawinul, le bassiste Linley Marthe et le drum Paco Sery.
Auparavant, Yaron Herman avait livré un bon set en trio.
Stacey Kent le 5 juillet : Douce et magnifique
Un joli concert de jazz mais pas que avec une formation traditionnelle. La chanteuse américaine apprécie Vienne et s’y sent bien.
Son set ne fut pas très différend des précédents, mélange d’intime et de jolies mélodies assenées d’une voix douce et magnifique.
6 juillet : Le blues sudiste électrique et énergique de Mr Sipp
Décidément, cette Nuit du Blues du jeudi 6 juillet fut bénie des dieux du jazz. Car en première partie, l’on eut droit à une autre révélation, Mr Sipp qui découvrait lui aussi le théâtre antique de Vienne.
Mr Sipp, alias Castro M. Coleman, qui comme son nom de scène l’indique provient du Mississipi.
Il donna le ton de la soirée et un petit aperçu de ce qu’il advint ensuite en dernière partie, avec une première partie particulièrement enlevée, mais très (trop) courte : une petite demi-heure avec un blues très électrique, dans la lignée de John Lee Hooker ou de Howlin Wolf, la tradition, respectée pour ce jeune musicien qui vient du gospel, mais agrémentée aussi d’une sacrée modernité.
On rêve aussi de le revoir. Plus longuement..
La tornade « Vintage Trouble » s’étend le 6 juillet sur le théâtre antique
Présents pour la première fois sur la scène du théâtre antique, les Californiens de « Vintage Trouble » ont jeudi 6 juillet pour le moins fait forte impression.
Ty taylor, son leader est une véritable bombe, virevoltant, capable de traverser les travées du théâtre antique, micro en main jusqu’au sommet et d’en redescendre à peine essoufflé !
Ce n’étais pas un concert, c’était un show, en déhanchement permanent comme on a rarement eu l’occasion d’en voir et d’en entendre dans le cadre des Nuits du Blues de Jazz à Vienne.
Etait-ce du blues ? Pas complètement, car la musique de Vintage Trouble si elle emprunte au blues, fait aussi appel au rockn’roll, au rythm’n blues à la soul. Elle est assurément tonique et d’une énergie vitale puissance XXL, survoltant en tout cas le public : près de 5 000 festivaliers présents debout sur les gradins.
Ils étaient pour beaucoup venus pour le blues : ils se retrouvèrent face à ce véritable OVNI musical.
Trombone Shorty le 8 juillet : reprises démoniaques
A dire vrai rien de bien nouveau pour ce concert de Trombone Shorty et d’Orleans Avenues. La formation ronronne encore mieux qu’avant. Le natif de La Nouvelle Orléans livre toujours un show entier, armé de son trombone et de sa trompette et emmène ses compères et le théâtre antique vers des horizons insoupçonnés. En quelques instants, Trombone Shorty embrase le théâtre grâce à quelques reprises démoniaques, avant de descendre rejoindre les spectateurs comme il aime le faire en fin de concert. Avant lui, Juan Rozoff a lui aussi livré un concert d’anthologie, mêlant funk mahousse et humour déjanté. D’autant plus séduisant qu’inattendu
Lianne la Havas le 10 juillet : prometteuse
Malgré le coup de cœur, Antoine est resté sur sa faim et s’explique : « une belle femme, une voix soul que Dieu donne rarement, du talent mais un répertoire (principalement en mineur peu adapté à du live).
Mais c’est un grand potentiel et une fille qu’il faut suivre car si l’alchimie – voix, textes, compositions, enveloppe musicale- se rencontrent, ce sera du niveau artistique d’une Adèle. Vu son côté baba cool, ce n’est pas ce qu’elle ira chercher mais bon…
Mary J. Blige le 10 juillet : Tina Turner bis
Un coup de cœur, une 2ème Tina Turner. Cette fille est totalement barge comme une femme qui a vendu 50 millions de disques, a commencé dans le Bronx, a chanté dans les églises. Mais c’est une grande.
Engagée, présente, ne lâchant rien, donnant tout avec sa sincérité – bravo l’artiste. Pour moi le meilleur de ce que j’ai vu cette année. (une fois dans sa vie c’est super).
Scott Bradlee’s Postmodern Jukebox et Deluxe le 11 juillet : festif
Joli succès du Scott Bradlee’s Postmodern Jukebox qui ouvrait la soirée. Ca fonctionne comme une revue de Broadway, les plateaux se succèdent rapidement au gré des chansons et de leurs interprètes d’un soir. C’est aussi une façon de revisiter de manière originale quelques grands morceaux du patrimoine contemporain américain.
Les costumes sont chatoyants. Liliboy et ses compères se démènent. Jouent, dansent, interpellent le public. Le théâtre entre dans la danse à son tour. D’où un set festif, sonore et dansant.
L’implication de Deluxe ne faiblit pas jusqu’à la fin. Rythmiquement, le groupe, qui poursuit son bonhomme de chemin depuis 10 ans, aurait intérêt tout de même à se renforcer toujours et encore.
Bixiga 70 et Seu Jorge le 13 juillet : la divine surprise brésilienne
Divine surprise que ce Bixiga 70 qui, en 80 minutes, a fait chavirer le théâtre antique à coups de cuivres volontaires et de percussions en mode superlatif. Ce Bixiga 70 a une façon bien à lui pour faire monter la pression au fil des morceaux.
Les membres qui le composent sont soudés au possible pour lancer et relancer des thèmes qui allument le théâtre mieux que ne saurait le faire n’importe quelle conduite.
Juste avant, en contraste, Seu Jorge avait ramené le théâtre dans son univers très personnel pour rendre un hommage appuyé à David Bowie.
En portugais. Chavirant.
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