C’est sans doute l’une des images fortes qui restera de cette soirée.
Le contrebassiste vedette de l’Orchestre National de Lyon sous les projecteurs, bien en avant d’une scène occupée pour les trois quarts par une forte phalange de l’ONL, inspiré, interprétant un air de Bizet, avec à ses côtés un Marcus Miller extatique, survolté.
Un face à face musique classique avec le jazz funk le plus contemporain qui soit qui aurait pu tourner au mieux à une aimable rencontre, au pire, à la bouillie sonore. Eh bien non, cet instant très fort se résume à l’arrivée en un moment magique de fusion réussie des deux univers. Le magicien : Marcus Miller.
Une phalange de soixante-cinq musiciens de l’ONL
Il avait relevé la gageure de jouer quelques grands standards lors d’un premier set de plus d’une heure, avec l’Orchestre National de Lyon, riche de soixante-cinq musiciens et dirigé par par Damon Gupton.
Une expérience inédite, unique, créée pour ce seul soir du Festival et qui par moments charrie de la lave en fusion, à l’instar d’une version pour le moins atypique de « Papa was a rolling stone », à d’autres, d’intimes moments de grâce.
Marcus était encore à Lyon en avril dernier, plus précisément sur la scène du Radiant à Caluire. Il s’était déjà produit en 2013 sur la scène du théâtre antique. Pourtant, jamais désaltérés par son jeu, les festivaliers étaient encore près de 6 000 mardi 30 juin, à avoir pris place sur les gradins pour écouter l’icône jazz funk.
Difficile à trouver, à l’issue du concert un festivalier regrettant sa présence sur les pierres encore chaudes. Toujours aussi généreux, le bassiste donne à entendre ce soir là un des concerts les plus riches, les plus intenses que l’on ait entendu depuis le démarrage du Festival, le 26 juin.
Une jeune garde hyper douée
Marquée par de nombreux thèmes repris de son dernier opus (Afrodeezia), le premier réalisé par le célèbre label Blue Note, Marcus, là encore, lors du second set, joue l’harmonie, l’équilibre.
Intervenant comme leader, puis se lançant dans de nombreuses impros, à la basse comme au saxophone, Marcus sait lâcher la bride à sa jeune garde hyperdouée : le pianiste Brett Williams, vingt-trois ans, qui manie les touches blanches et noires comme un vieux renard des studios, Adam Agatti, guitariste aux envolées limpides, le trompettiste Lee Hogans et surtout un saxophoniste aux chorus lumineux, totalement en verve ce soir là : Alex Han.
Pour tracer le chemin, et mener la rythmique d’enfer, il fallait la puissance du batteur Louis Cato et surtout le jeu aérien du percussionniste Mino Cinelu, sosie d’un Yul Brynner qui serait devenu chevelu.
Bassiste humaniste
Marcus qui est aussi Ambassadeur de l’Unesco pour la paix, alterne la virtuosité funky avec des thèmes plus graves, à l’instar de « Gorée », un de ses morceaux fétiches, hommage au douloureux souvenir des esclaves noirs, à la violence de leur arrachement de leur terre d’Afrique, mais aussi à leur force et à leur dépassement au fil des décennies, un dépassement opéré au travers de la musique noire.
Evoquant les derniers attentats terroristes, le bassiste humaniste lance un message d’espoir : oui, la musique peut transcender la haine, unifier les contraires, créer l’harmonie entre les hommes. Il le prouve abondamment ce soir là…
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