Quelques nouveautés discographiques parmi les nombreuses sorties de ce début de printemps. Comme toujours, c’est un choix éclectique qui va de l’ancien au moderne, du swing pur à l’abstraction contemporaine.
ATOMIC. Pet Variations
Odin Records
Fredrik Ljungkvist : saxophone, clarinette
Magnus Broo : trompetta
Havard Wiik : piano
Ingebrigt Hâker Flaten : contrebasse
Hans Hulbaekmo : batterie
Le groupe Atomic a débuté son rayonnement il y a presque deux décennies. Les musiciens de ce super groupe nordique sont dans leurs enregistrements plus adeptes de la fibre américaine du jazz que de l’esthétique sonore des leurs pays respectifs (Suède et Norvège) qui fait encore les beaux jours d’Ecm (ce n’est pas une critique). Également enclins au mélange des genres musicaux, ils apprécient plus que tout d’emmêler nos oreilles en intégrant Carla Bley, Messiaen, Steve Lacy, Varese, Jan Garbarek et j’en passe à leurs désirs exploratoires. Que ce soit écrit (très bien) ou improvisé (très bien), la musique du quintet passionnera les auditeurs épris d’accents originaux, aimant les surprises, car, au-delà des grands noms cités préalablement, elle est le fruit aventureux et très personnel d’une longue collaboration entre les musiciens. Il y a véritablement un son et une esthétique « Atomic » qui démarque nettement le groupe d’autres formations pouvant (hypothétiquement) évoluer dans un espace musical similaire. Entre folie contagieuse passagère et ambiances plus introspectives, la musique de ce CD offre des variations musicales captivantes à bien des égards, notamment un lyrisme sous-jacent s’exprimant avec subtilité et un sens de l’espace offrant de belles respirations aux mélodies. Un petit chef d’œuvre selon nous.
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ALVIN QUEEN TRIO . OP. A tribute to Oscar Peterson
Stunt Records
Alvin Queen : batterie
Zier Romme Larsen : piano
Ida Hvid : contrebasse
Si nous ne connaissions pas encore la contrebassiste Ida Hvid et le jeune pianiste Zier Romme Larsen, Alvin Queen, lui, cela fait un bail qu’on l’entend sur un nombre conséquent de CD peuplant les étagères de notre discothèque. Et le revoilà pour un hommage à son ami Oscar Peterson, hommage respectueux avec des acolytes qui ne déméritent pas. On retrouve avec plaisir quelques uns des morceaux emblématiques du pianiste canadien, tel Wheatland, Cakewalk, You look good to me ou encore Hymn to freedom. Les trois musiciens livrent là un jazz bourré de groove et swing, un jazz à la pétulance communicative qui s’écoute sans déplaisir aucun. L’expérimenté Alvin Queen a toujours un élastique dans les poignets et sa conduite des affaires est très pointue. Mais comme il est un batteur orthodoxe, il a quelquefois une tendance à l’expressivité un poil envahissante. Mais cela, ça fait aussi partie du jeu et de ces atmosphères nous ramenant quelques décades en arrière… Rien de grave donc. Et si la paire danoise qui l’accompagne à une présence solide et par moment assez séduisante, elle ne fait pas oublier le mythique Oscar, l’intersidéral Niels Henning Oersted Pedersen et l’alchimie qui prévalait dans leurs échanges musicaux.
https://en.wikipedia.org/wiki/Alvin_Queen
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ØYVIND TORVUND . The exotica album
Hubro
Øyvind Torvund : compositions
Kjetil Møster : saxophones et électronique
Jorgen Træen : synthés modulaires et électronique
BIT20 Ensemble : direction Trod Madsen
A l’avant-garde toute ! L’on nous assure dans le texte promotionnel que la musique de Oyvind Torvund pourrait être située entre Martin Denny (1905-2011) et Stockausen en goguette avec John Zorn. Ce qui est plutôt classe, voire même totalement fancy, comme ils disent maintenant dans les cercles autorisés. De fait, cette musique est propice à l’activation de l’imaginaire et chacun trouvera en elle des références qui lui sont propres (ou sales). Dans ces constructions sonores et néanmoins musicales, qui sait si vous ne verrez pas une (per)version scandinave et vingt-et-unièmesque de Pierre et le loup. A moins que ce ne soit la vision d’un petit chaperon rouge ayant autant de malheur dans sa vertu qu’une Justine sadienne qui prévale dans votre esprit. D’autres entendront, qui sait, les réminiscences hollywoodiennes de films de série B ou de cartoons en noir et blanc. Mais vous conviendrez tous que cette musique, sorte de collage rétro-moderniste aux références multiples, va bien au-delà du pastiche et que son originalité ne laisse personne insensible. Ou alors, et c’est possible, vous n’auriez aucune imagination et votre vie serait un enfer baignant dans la grisaille valiumesque et l’uniforme monotonie. Nous, nous allons faire une deuxième écoute car il nous a semblé croiser Mary Poppins sous LSD et Angela Merkel chantant en duo avec Lapin malin. A vérifier.
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SHAULI EINAV . Animi
Berthold Records
Shauli Einav : saxophones ténor et soprano
Tims Collins : vibraphone
Andy Hunter : Trombone
Yoni Zelnik : contrebasse
Guilhem Flouzat : battterie
Fayçal Salhi : oud – invité.
Voilà un disque dont la musique est fort bien arrangée et puise à diverses sources de richesses modales et autres subtilités rythmiques sur lesquelles elle arrive à innover. Ce n’est jamais simple d’être original mais Shauli Einav arrive à nous faire croire que son jazz à des caractéristiques qui lui sont propres. Avec un line-up international, lui et son groupe parviennent à une cohérence de tous les instants assez exemplaire. C’est foisonnant, bourré d’énergie positive et véritablement expressif. Sur les tempi lents, le quintet met en avant la finesse d’exécution qui le singularise et offre aux solistes des espaces propices aux improvisations les plus abouties. Tous sont clairvoyants, réactifs, (mention spéciale au vibraphoniste Tim Collins) et nous donnent quelquefois l’impression d’écouter un album atypique et vigoureux du jazz américain des années soixante dans ce qu’il avait d’expérimental (du côté des Booker Little et autres Oliver Nelson et George Russell) ; ce qui n’est pas pour nous déplaire d’ailleurs. Shauli Einav conserve malgré tout, notamment grâce à ses racines, une voix personnelle qui démarque son projet de bien d’autres, plus consensuels et, pour tout dire, assez indigestes. A découvrir prestement.
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NGUYEN LÊ QUARTET. Streams
Act
Nguyen Lê : guitare
Illya Amar : vibraphone
Chris Jennings : contrebasse
John Hadfield : batterie
Dans ce disque, comme dans ses précédents enregistrements, Nguyen Lê suit son plan de carrière qui est de ne pas en avoir… Car le guitariste, inlassable prospecteur, fait la musique qu’il aime et, au gré des formations qu’il forme, imprime son esthétique musicale avec un savoir faire toujours bluffant. La fluidité de son jeu, sa technique, seraient en soi suffisante pour convaincre un mélomane exigeant, mais lui ne s’y arrête pas et continue à défricher des univers musicaux où l’inédit côtoie les réminiscences dans une sorte de mouvement perpétuel inquantifiable. Des ces titres, aux accents ethniques réels ou imaginaires, se dégagent des formes harmonieuses autant que séduisantes. Chaque instrumentiste participe pleinement à l’équilibre et à l’épaisseur du propos musical. Un zeste de fusion accompagne l’ensemble avec nuance et ne nuit pas. L’énergie circule dans cette musique grâce à des procédés rythmiques élaborés qui imposent les ambiances de manière assez magistrale pour être notée. Ce disque est incontestablement un disque d’une grande maturité affichant une forme de sérénité musicale particulièrement aboutie.
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