MOPPA ELLIOT’S ADVANCING ON A WILD PITCH . Disasters Vol. 2
Hot cup Records
Moppa Elliot : contrebasse
Charles Evans : saxophone baryton
Sam Kulik : trombone
Danny Fox : piano
Christian Coleman : batterie
En quelques mots : Moppa Elliot est un drôle de musicien qui publie deux disques le même jour, un en quintet et un autre avec un nonet (voir ci-dessous). Dans ses « désastres », il offre un quintet a priori plutôt classiquement jazz, entre Be bop et Hard bop. Cependant, chaque titre porte le nom d’une ville de Pennsylvanie qui a connu une catastrophe, qu’elle soit ferroviaire, industrielle, chimique, etc, ce qui dénote un aspect conceptuel que les formations du début des années soixante ne promouvaient pas forcément. Une chose est sûre, la musique swingue terriblement avec une vitalité et une musicalité tout à fait convaincantes. Les chorus et les soli sont redoutables de précision, tout comme les changements de rythme qui sont impeccablement fluides. Le leader quant à lui tient la baraque avec une efficacité impressionnante. Pour une fois, la copie vaut très largement les originaux, parce que c’est bien plus qu’une copie. Ce disque possède un charme fou avec un petit quelque chose en plus qui n’en fait pas un disque passéiste. Vous nous en direz des nouvelles.
MOPPA ELLIOT’S ACCELERATION TO GRAVITY . Jonesville
Hot cup Records
Moppa Elliot : basse
Bobby Spelman : trompette
Dave Taylor : trombone,
Matt Nelson : saxophone alto
Stacy Dillard : saxophone ténor
Kyle Saulnier : saxophone baryton
Ava Mendoza : guitare
George Burton : piano
Mike Pride : batterie
On prend le même leader que ci-dessus et, surtout, on ne recommence pas. Le nonet présent dans cet enregistrement n’emprunte pas la voie du jazz classique bien que son point de départ soit Sam Jones (1924-1981) qui aurait eu cent ans cette année. Chaque morceau possède trois soli et jamais de refrain à proprement parler. Ils sont constitués de quelques phrases musicales se répétant avec des variations, entrelardées d’improvisations qui sont proches de l’univers Hip Hop. Il se trouve pourtant que pour cette musique flirte avec un swing indéniable et un groove xxl (funky à la Roy Hargrove). Bien évidemment, à la vue des contraintes exposées ci-dessus, le résultat s’avère hautement original et somme toute inclassable. Cela ne manque aucunement de liberté, ni d’âpreté. C’est même joyeusement féroce et festif en diable (allez savoir pourquoi nous avons pensé au Thad Jones / Mel Lewis Orchestra…). Plutôt imprévisible au final, ce qui nous convient parfaitement, ce disque sacrément bien foutu possède un ensemble de qualités singulières qui lui donnent toute son originalité. On aimerait bien les voir sur scène dans nos contrées !
DAN WEISS . Even Odds
Cygnus Recordings
Dan Weiss : batterie
Miguel Zenon : saxophone
Matt Mitchell : piano
Entre structures traditionnelles et embardées free, le nouveau disque du batteur Dan Weiss est une quête, comme au bon vieux temps des explorateurs du jazz qui acceptaient d’être vilipendés pour leur abandon des formes classiques. Accompagné par un Miguel Zenon dépourvu de limites et un Matt Mitchell expansif, le leader propose des compositions étonnamment captivantes. Comme mentionné ci-dessus, une double thématique est à l’œuvre d’un bout à l’autre de l’enregistrement : d’un côté des formes classiques, de l’autre des perles free qui scintillent et emportent tout sur leur passage. Ajoutez à cela quelques soli du leader aussi redoutables de finesse que de précision et vous obtenez une sorte d’ovni musical qui se contrefiche du qu’en dira-t-on et que l’on pourrait peut-être résumer en affirmant qu’il vient de nulle part si ce n’est de la tête du compositeur et leader, étant entendu que ses deux complices ne sont pas en reste pour le soutenir dans cette aventure passionnante, débordante d’une énergie salvatrice. On ressent un vrai plaisir à découvrir avec eux les espaces qu’ils arpentent. A ne pas manquer.
JULIETA EUGENIO . Stay
Auto production
Julieta Eugenio : saxophone tnéor
Matt Dwonszyk : contrebasse
Jonathan Barber : batterie
Leo Genovese : Rhodes (3.6)
Si l’on excepte l’invité, les protagonistes de cet album sont les mêmes que sur le précédent dont nous avions dit grand bien. Nous en dirons autant de celui-ci car il possède les mêmes qualités. Extrêmement musical, ce trio avec sa leader et compositrice est un modèle d’équilibre. L’interplay est en soi une présence qui s’ajoute aux titres joués tant il est prégnant et définit les enjeux esthétiques mis en place. Pour autant, Julieta Eugenio sort du trio initial ici et là, avec des duos tout aussi musicaux. L’ambiance générale est faite de souplesse car les mélodies sinueuses qui sont développées l’appellent. A l’écoute, l’auditeur navigue avec le trio dans la fluidité d’un voyage intime quasi spirituel. L’ensemble est sacrément bien fait et la jeune saxophoniste imprime la marque de son originalité sur chacun des titres (chacune des rêveries), y compris sur la reprise ellingtonienne finale dont les trois premières minutes en solo ont l’éclat d’une pépite dans l’eau claire d’une rivière.
https://www.julieta-eugenio.com/
SAM WILSON . Wintertides
Auto production
Sam Wilson : guitare
Geordie Hart : contrebasse
Jen Yakamovich : batterie
Voici un beau disque qui vient de Nouvelle Écosse où réside la guitariste et leader. Accompagnée par un contrebassiste et un batteur, elle propose une musique empreinte de vastitude et de sérénité. Il est dit dans les notes d’intentions que Sam Wilson explore les différences entre les hivers des côtés est et ouest de son pays. Une chose est certaine, elle le fait avec une forme de retenue très aboutie. Dans chaque composition, le swing discret côtoie la forme classique contemporaine de manière très réussie. Dans l’agilité ondoyante, le contrebassiste et la batteuse sont au diapason de la guitariste et ensemble les trois offrent des moments de grâce, aussi paysagère que musicale, plus qu’agréables. L’ensemble conjugue l’immensité des territoires dont la musique nous entretient avec une palette de pastel qui n’ignore pas les teintes sombres. Malgré cela, ou grâce à, l’auditeur pourrait presque croire que les hivers canadiens ne sont que douceur et joliesse. Tantôt, à la guitare électrique, tantôt à la guitare acoustique, Sam Wilson, tout au long du disque, fait preuve d’une expertise narrative tout à fait singulière (qui nous a cependant fait penser de temps à autre à Ralph Towner. C’est assurément une voix originale que l’on aimerait écouter sur scène par chez nous.
https://samwilsonmusiq.com/home
LIONEL MARTIN & SANGOMA EVERETT . Letter to the world
Ouch Records
Lionel Martin : saxophone, machines
Sangoma Everett : batterie, voix
Cinq ans après leur hommage à Count Basie où leur duo se substituait au big band initial du disque Afrique (1971), Lionel Martin et Sangoma Everett remettent le couvert et adressent une lettre au monde qui démontre une fois de plus la connexion alchimique qui le lie. Avec une énergie qui puise dans les racines du jazz, ils s’affranchissent des codes au profit d’une exploration personnelle créative au son rugueux franchement bluesy. Très organique dans la forme, leur disque propose des relectures (Who knows de Jimmy Hendrix et Afro blues de Mongo Santamaria, chantées par le batteur) et des compositions originales généreuses, au lyrisme direct. Lionel Martin dit qu’on peut enfermer un oiseau mais que l’on ne peut pas l’empêcher de chanter, Sangoma Everett cite Oscar Wilde ainsi : « spread love everywhere you go ». Les deux ont raison et la puissance de leur dialogue est à la hauteur de leur commun désir de paix. A l’écoute, on se laisse prendre par l’urgence qui affleure à adresser cette « lettre au monde ». Alors si la poste fait son boulot, Emily Dickinson aura une audience autre, tout comme Lionel Martin et Sangoma Everett.
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