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F.COUTURIER / D.PIFARELY . Preludes and Songs
Ecm
François Couturier : piano
Dominique Pifarély : violon
Un duo de géants discrets, deux musiciens incontournables depuis des décennies qui jamais ne se laissent aller à la facilité, cela donne forcément, quand ils se rencontrent, un disque indispensable. Qu’ils proposent leurs compositions originales ou des reprises d’Ellington, Gershwin, J.J Johnson et même Brel, leurs voix se parlent et s’entremêlent au service des thèmes joués avec l’expressive humanité qui les caractérise. Leur passé musical commun est tel que rien ne s’oppose à l’alchimie, que rien n’interfère avec leur désir d’absolue beauté. Sur leur chemin d’improvisation, les notes nées du silence produisent les plus douces vibrations mélodiques qui soient, enveloppent l’auditeur, le protègent des vicissitudes, de la fadeur, le livrent à l’harmonie, à la profondeur poétique, au chant. Rien n’est plus évident que cette parole partagée entre le pianiste et le violoniste. L’intimité du duo est convoquée sans fard, mais avec une pudeur nécessaire, celle qui laisse à l’auditeur son droit à l’imagination. Vous n’écouterez pas dans ce disque une musique de musicien pour musicien, ce qui peut être tragiquement ennuyeux quels que soient les mérites des artistes. François Couturier et Dominique Pifarély vous offrent dans ces Preludes and songs » un espace de communion où se retrouvent celles et ceux qui croient encore, avec Yves Bonnefoy, que la poésie peut sauver le monde.
http://www.francois-couturier.fr/
https://pifarely.net/dominique-pifarely/
ZOOL FLEISCHER . The FAB three
Zoolman Prod
Zool Fleischer : piano, fender rhodes et séquenceur
Franck Agulhon : batterie
Marc Bertaux ; contrebasse
Zool Fleischer est de retour ! Une bonne vingtaine d’années après son dernier enregistrement, Zooloup (2002) en duo avec Denis Leloup, il réapparaît en trio avec Marc Bertaux et Franck Agulhon pour un disque contenant treize compositions originales et une reprise (Goodbye). Le moins que le puisse dire, c’est que dès les premières notes, il est là parmi nous, comme si de rien n’était et que le temps avait oublié de passer. Malgré les longues absences qu’il inflige à ses fidèles auditeurs dont je suis, l’originalité de sa voix pianistique perdure. Extrêmement doué pour la narration, il développe dans chacun de ses thèmes une dramaturgie mélodique dont les digressions se mêlent à un swing affûté. Ses acolytes partagent avec lui le savoir faire musical nécessaire à l’exercice, ce qui donne à l’ensemble une imparable limpidité. Qu’il soit au piano ou devant un Fender Rhodes, Zool Fleischer donne à ouïr un discours atypique au lyrisme discret qui génère une poétique n’appartenant qu’à lui. Ceci dit, s’il pouvait éviter de trainer vingt ans avant le prochain, ça me laisserait une chance d’écouter son futur sixième disque. Allez quoi !
https://fr.wikipedia.org/wiki/Zool_Fleischer
STEIN URHEIM . Speilstillevariasjoner
Hubro
Stein Urheim : guitares acoustiques et modifiées, électronique, field recordings, générateur de tonalité sinusoïdale en intonation juste, percussions
Ikue Mori : électronique
Sam Geidel : saxophone, électronique
Hans Kjorstad : violon
Siv yunn Kjensyad : batterie, voix
Je me demandais il y a quelques années si Stein Urheim était extra-terrien ou strictement cosmogonique ? Je pensais également qu’il faisait œuvre d’une plasticité musicale élargie et, ma foi, je pense exactement la même chose aujourd’hui. Le mélange instrumental exploratoire entre électronique et acoustique fonctionne toujours aussi bien et, une fois intégré les codes de l’artiste, il est simple d’entrer dans sa musique car elle est parfaitement mélodique. Elle porte l’auditeur vers des contrées intuitives où le rêve tient la corde. Faite d’une expressivité souvent minimale au sein de laquelle le détail sonore compte, chaque thème se déploie sur des lignes multiples et complémentaires qui s’enlacent et crée un discours folk qui tend vers le folklorique avec en sus des attributs expérimentaux tels qu’on peut les trouver dans certaines formes de jazz. Étant totalement originale, la musique de Stein Urheim est inclassable et c’est très bien comme ça, le plus important demeure qu’elle s’écoute avec un plaisir toujours renouvelé.
https://steinurheim.bandcamp.com/album/stein-urheim
JOHANNA SUMMER / JAKOB MANZ . Cameo
Act
Johanna Summer : piano
Jakob Manz : saxophone, flute à bec
Johanna Summer et Jakob Manz représente certainement ce qui se fait de mieux dans la jeune génération allemande du jazz. Leur virtuosité et l’alchimie qui les unit, associées à leur insolente jeunesse font merveille dans cet album en duo (le deuxième après un enregistrement en public édité en 2022). Entre la pianiste pour qui la musique classique est essentielle et le saxophoniste jazz plus ancré dans des mélodies aux rythmes orientés vers la pop, la greffe prend sans effort et, si cela peut paraître surprenant, c’est malgré tout (en toute logique) une entente aussi générationnelle que musicale. Une chose est évidente, les deux artistes possèdent une capacité d’improvisation sortant de l’ordinaire et leurs soli sont véritablement inspirés et baignés dans une musicalité en tout point remarquable. Leur vivacité et leur sensibilité s’alimentent l’une l’autre, développent une palette de couleurs impressionnante de variété et un discours pétri d’audace et limpidité. Dans cet album où huit sur onze compositions leur appartiennent, ils s’éloignent des standards du jazz qui constituaient la trame de leur premier Cd commun, sans renvoyer aux calendes grecques l’idiome jazz dans son désir de constante innovation. Vous l’avez compris, ce duo est un pur bonheur d’écoute. Vivement recommandé.
https://johannasummer.de/en/
https://jakobmanz.de/
JOACHIM KÜHN . Echappée
Intakt Records
Joachim Kühn : piano
Un double Cd en solo du patriarche Joachim Kühn, je ne me prive pas de vous en parler. Aujourd’hui octogénaire et apaisé (sinon revenu de tout), il se livre devant ses quatre-vingt-huit touches à ce qu’il fait le mieux depuis toujours, à savoir une libre recherche introspective magnifiée par un sens de l’improvisation que personne ne lui conteste plus depuis belle lurette. Entre puissance expressionniste et alanguissement finement mélodique, il construit un espace musical dans lequel un auditeur normalement constitué ne peut que se sentir à l’aise tant il paraît naturel. Dans cet album où l’on côtoie aussi bien des voies classiques que des bordures plus électrisantes et inhabituelles, Joachim Kühn nous embarque avec lui là où ses désirs, son savoir-faire et son savoir-être le portent. C’est brillantissime bien sûr (vous le saviez déjà) parce que totalement habité, musicalement humain et nourri d’une expérience intriguée par les notes à venir. Un beau moment d’intemporalité. Je regrette seulement qu’il ait décidé d’abandonner les concerts, mais après soixante années bien tassées de carrière, peut-on lui en vouloir ? Il fera d’autres disques chez lui en contemplant la méditerranée.
https://www.intaktrec.ch/release.htm
JOHN TAYLOR . Close to Mars
Camjazz
John Taylor : piano
Palle Daniellson : contrebasse
Martin France : batterie
Sortie le 07 mars
Ce nouveau disque possède une étrange particularité : ces trois interprètes sont morts. John Taylor en 2015, Palle Danielsson et Martin France en 2024. Enregistré en 2006 à Ludwigsburg, ce Cd démontre s’il le fallait encore à quel point le pianiste anglais était un repère incontournable de la scène jazz. Aventureux par nature et toujours mélodiquement chantant, il savait sortir du cadre, l’air de rien, et délivrer des thématiques d’esthète parfaitement originales. Magnifiquement accompagné par le contrebassiste Palle Danielsson (1946-2024) et le batteur Martin France (1964-2024), John Taylor propose une musique au lyrisme inventif qui oscille entre l’intime et le percussif, la douceur et l’explosivité, avec à chaque instant une musicalité profonde comme on en entend peu. A la suite du pianiste, le contrebassiste et le batteur sont impériaux ; leur justesse inspirée, leur adaptabilité, fricote avec la magie. De notre point de vue, le trio (et son impressionnant interplay) évolue dans une dimension supérieure, voire une autre galaxie. Vous pouvez vous jeter dessus.
https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Taylor_(pianiste)
LAURENT MAUR SOUNDSCAPE 4tet – Dark rêverie
autoproduction
Émilie Calmé : flûtes
Curtis Efoua Ela : batterie
Clément Simon : bass keyboard, claviers
Laurent Maur : Harmonica, Harmonica digital DM48
Enregistré en Chine sur deux jours, ce nouvel album de Laurent Maur verse dans un jazz électro funk aisément écoutable. Le nouvel élément de ce quartet, c’est Clément Simon et on peut dire qu’il s’y entend pour donner de la couleur à cet album. Comme à leur habitude, Émilie Calmé, Curtis Efoua Ela et Laurent Maur font très bien ce qu’ils savent faire et peuvent se targuer, dans ce contexte qui diffère de leur environnement musical de référence, d’une crédibilité évidente. Tout est fluide et bien articulé. Les ambiances sont homogènes et l’auditeur peut se laisser prendre par ces atmosphères parfaitement mélodiques ; par certains côtés, notamment des sonorités, elles nous ont fait penser à quelques trucs un peu anciens, fin des années 70, début des années 80, comme le Pat Metheny Group par exemple. Ce sont là des réminiscences dues à notre grand âge. Le quartet, lui, s’est contenté de faire sa musique et il l’a très bien fait, ce qui devrait suffire à convaincre bon nombre d’auditeurs.
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