Avec une presque quinzaine de retard, voici quelques galettes aux sonorités très variées pour adoucir l’automne en cours.
JEFF LEDERER SUNWATCHER QUARTET . Eightfold Path
Little (i) music
Jeff Lederer : saxophone
Jamie Saft : piano, orgue
Steve Swallow : basse
Matt Wilson : batterie
- Si l’on croit le texte de présentation du disque, c’est d’une réflexion sur les huit principes fondamentaux de la conduite bouddhiste. N’étant pas particulièrement féru dans ce domaine, nous nous sommes contentés d’écouter de la musique. Et c’est déjà beaucoup. Enregistrée en une après-midi à l’été 2020 cette galette possède un bel univers qui lui est propre. Le line-up du quartet Sunwatcher réunit quatre musiciens plus que talentueux. Seule différence avec leur premier Cd paru il y a une dizaine d’années, Steve Swallow succède à Buster Williams. De l’exceptionnel à la place de l’exceptionnel quoi. Les quatre musiciens sont en osmose, à tel point que tous les titres enregistrés sont des premières prises. D’humeur changeante, la musique puise son originalité dans celle des jazzmen qui la produise. C’est construit, d’une fraîcheur véritable et d’une densité non négligeable. Cela nous a fait penser à ces combos des années soixante dix toujours prêt à improviser sur les idées spontanées. Nous ne savons pas si Jeff Lederer est un grand mystique mais lui et ses acolytes appartiennent à la caste des créateurs inspirés. Ça c’est sûr. A écouter bien évidemment.
LUNDGREN / DANIELSSON / PARISIEN . Into the night
Act Music
Jan Lundgren : piano
Lars Danielsson : contrebasse
Emile Parisien : saxophone
- La Covid 19 possède quelquefois des avantages. Sans elle, ce trio n’aurait pas vu le jour. Le batteur du dit trio n’ayant pu se déplacer pour le concert en raison des restrictions faites aux voyageurs, c’est Émile Parisien qui s’est invité pour un remplacement spontané à ce concert enregistré en Suède. Qualifié par le pianiste de « divine providence », la rencontre des trois musiciens est de fait une impeccable réussite. Grandement musicale, hautement mélodique, réellement inspirée, la musique de ce trio se berce des échos d’une volupté apaisée. Elle glisse entre les courants avec une sourde langueur qui voile à peine l’épaisseur et la force du propos des musiciens. Qu’il s’agisse de musique traditionnelle ou des compositions de chacun des protagonistes, l’alchimie est là et elle se réinvente dans l’instant autour d’improvisations expressives empreintes de lyrisme aux origines multiples. Et si Jan Lundgren et Lars Danielsson se connaissent et sont irréprochables, c’est bien l’apport musical d’Émile Parisien qui projette le trio dans une dimension nouvelle qui nous a séduits. Un bien beau disque à ne pas manquer.
ENRICO RAVA . Edizione speciale
Ecm
Enrico Rava : trompette et bugle
Francesco Bearzatti : saxophone ténor
Giovanni Guidi : piano
Gabriele Evangelista : contrebasse
Enrico Morello : batterie
Francesco Diodati : guitare
- Qui veut du jazz à l’italienne, version vitaminée et léchée, sans compromis ? Avec ce disque enregistré (à l’endroit) en concert à Anvers, vous allez être servis. Dans ce Cd, jamais à court d’idées, la musique de l’octogénaire triestin tutélaire, propulsée par des artistes non moins talentueux que lui, s’épanouit pleinement. Elle envahit l’espace par de multiples lignes directionnelles qui, toutes, alimentent une musique aussi complexe que d’approche aisée. Ce doit être cela l’art. Toujours lisible quel que soit le ou les formats choisis. A ce petit jeu, le guitariste, le pianiste et le saxophoniste (Guidi, Diodati, Bearzatti) ne sont pas en reste et le leader les laisse évoluer avant de reprendre la main quand il l’estime nécessaire. La rythmique, tout au long de l’album se plie aux contraintes imposées avec une rigueur et une justesse évidentes. Riche de timbres et d’idées la musique de l’inusable Enrico Rava ne lâche rien. Mélodique à l’italienne, jazzy comme toujours et créative en diable, elle demeure une référence incontournable et enviée dans le jazz européen. Pourvu que cela dure encore longtemps.
S.DOMANCICH / S.GOUBERT . Twofold head
Peewee !
Sophia Domancich : piano, claviers
Simon Goubert : batterie
- Deux jours d’enregistrement en studio, dans les conditions du direct, autour du cinéma de David Lynch, c’est le contenu musical du nouveau disque de Sophia Domancich et Simon Goubert. Le duo est alchimique depuis longtemps et l’envie d’explorer musicalement l’univers du cinéaste taraudait la pianiste depuis quelques temps déjà. Voilà qui est fait et bien fait. Que l’on connaisse ou non les films et court-métrages de Lynch peut avoir son importance à l’écoute de ce Cd, mais ce n’est cependant pas rédhibitoire. Nous qui ne sommes pas connectés à ce cinéma-là avons profité pleinement de la musique méandreuse du duo, musique dont l’étirement temporel crée à tout moment des zones de suspension agrégées à des rythmiques traduisant, nous a-t’il semblé, les obsessions oniriques du natif du Montana. D’un morceau l’autre, le duo dialogue avec une finesse et une imagination dont il est coutumier. Quant à nous, l’on s’est pris à écouter sa musique sans plus se soucier du postulat, ce qui n’empêche pas d’avoir sa propre boite à images, même si ces dernières ne sont pas le fait de David Lynch qui, par ailleurs, est aussi musicien.
https://www.facebook.com/Sophia-Domancich-124539524280359/
ALVIN QUEEN TRIO . Night train to Copenhagen
Stunt Records
Calle Brickman : piano
Tobias Dall : contrebasse
Alvin Queen : batterie
- Le batteur américain installé en Suisse depuis les années quatre-vingt possède un curriculum vite fait plus long qu’un jour sans pain. Aux côtés d’Horace Silver, de George Benson, De Horace Parlan, de Kenny Drew, de Pharoah Sanders ou encore d’Oscar Peterson, la liste n’est pas exhaustive, il a parcouru le jazz de la seconde moitié du XXème siècle avec une constance qui a mis en évidence son jeu atypique. Dans cet album où il s’est acoquiné avec deux jeunes pousses suédoise et danoise, il rend hommage à Peterson, période Night Train et We get request et à la ville de Copenhague où bien des jazzmen américains ont trouvé refuge (et studio ouvert) à une époque où le jazz déclina sévèrement dans les médias (cela ne s’est pas arrangé depuis) et son audience avec. Quoi qu’il en soit, cet album est plutôt sympathique et nous ramène au jazz mainstream que nous avons découvert il y a longtemps et qui nous néanmoins mené vers d’autres jazz(s) plus ardus et encore plus confidentiel. L’affaire est rondement mené, le swing est bien là pour honorer les standards qui se succèdent tout au long de l’album et le batteur excelle dans un genre qui pour lui est une seconde nature. De temps en temps, c’est cool d’écouter cela. Tiens la dernière fois que l’on a vu Alvin Queen sur scène, c’était avec Mulgrew Miller et NHOP et c’était bien.
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