Je ne sais pas trop à quoi m’attendre en allant voir Op Cit et Malik Mezzadri (MM) au théâtre de Givors (vendredi 27/11/15). A part MM à la flûte et Emmanuel Scarpa à la batterie, je ne connais personne dans cette ensemble de huit musiciens et un chef d’orchestre. Et MM, la dernière fois c’était il y a dix ans, à Paris, et je n’ai rien compris …
Mais le batteur m’a fait une bonne impression dans le quartet du Grand Bizarre au Rhino Jazz, alors je me suis dit « pourquoi pas ».
Mondrian pour inspiration
Me voilà dans la salle, le chef d’orchestre (Guillaume Bourgogne) explique que le groupe jouera deux morceaux et que le premier, composé par Alexandros Markeas, a pour inspiration Mondrian. Ah …
Mondrian, des lignes et des rectangles de couleur, quel est le rapport avec la musique, hein?
C’est simple.
Ce premier morceau est une alternance de passages orientés musique contemporaine (assez tendus) et de passages plutôt Jazz (plus relax). Ces passages sont de durées différentes, d’ambiances et de couleurs variées, avec des transitions parfois abruptes. Et voilà, Mondrian est là!
Ces alternances de tension / détente donnent un autre rythme à cette composition, une sorte de super-structure qui vient se superposer aux rythmes déjà présents. Le tout n’est pas une juxtaposition d’éléments hétérogènes et présente même une belle unité.
D’autant que la section de cordes, avec violons (Amaryllis Billet et Céline Lagoutière) / alto (Manon Ténoudji) / violoncelle (Nicolas Cerveau), et le trio Jazz, avec batterie / contrebasse (Brice Berrerd) / piano (Frédéric Escoffier), ne se cantonnent pas à des rôles figés. Les cordes jouent aussi « jazz » et le trio « classique », ils vont et viennent entre les styles; ils jouent ensemble, séparément, passionnément.
Au delà des styles, l’unité des musiciens apparaît aussi dans leur effort de jouer sur tous les timbres possibles de leur instrument et sur des gestes presque théâtralisés.
Le flûtiste, tout en fluidité, mêle la flûte et la voix. Le pianiste, grand savant des tensions et de la phrase suggérée, glisse parfois des objets dans son piano pour en changer les sons. La contrebasse, en avant sur les grooves Jazz ou en retrait intégré au quatuor, joue beaucoup sur les vibratos. Idem pour le batteur. Précis, explosif, tour à tour batteur jazz ou percussionniste classique fondu dans l’orchestre, il multiplie les sons avec toutes sortes d’ustensiles. Les cordes, fascinants de grâce et de précision, jouent des notes glissées, frottées, suraiguës, en pizzicato …
Des gestes de musiciens qui évoquent la peinture
Les gestes des musiciens évoquent, eux aussi, la peinture. Je les trouve tellement hypnotiques que je me suis surpris à sciemment fermer les yeux, pour percevoir la musique sans voir l’orchestre.
Le second titre du concert, écrit par MM, est plus libre que le premier, moins écrit, mais il est tout aussi riche et dense. Le chef d’orchestre reste très impliqué sur ce morceau, il guide les cordes à l’aide de petites cartes contenant on ne sait quelles instructions codées.
En somme, l’ensemble Op Cit / Malik est excellent et leur pari de faire coexister, voir de fusionner, le Jazz et le Classique, l’oral et l’écrit, est totalement réussi. Leur musique est exigeante, il est vrai, et comme dit plus haut, vous aurez besoin de vous laisser emmener en territoire inconnu pour l’apprécier pleinement. Mais le jeu en vaut la chandelle!
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