HANNA PAULSBERG CONCEPT . Himmel over Hav
Grappa Records
Hanna Paulsberg : saxophone, compositions
Elin Rosseland : voix
Oscar Gönberg : piano
Trygve Fiske : contrebasse
Hans Hulbækmo : batterie
Pour ce cinquième album, le quartet d’Hanna Paulsberg devient quintet en invitant la chanteuse, iconique en son pays, Elin Rosseland. Elle en rêvait, ils l’ont fait et cela ne nuit pas à l’homogénéité du quartet initial, bien au contraire. Si la saxophoniste est à l’évidence la pierre angulaire de cette formation, c’est à coup sûr le son d’un groupe que l’on écoute car l’interplay entre les musiciens est patent (le privilège des formations qui durent). Dans ce jazz mélodique qui ose subrepticement sortir des rails, Elin Rosseland se fond naturellement et son grain de voix se marie au grain du saxophone sans effort. Puissante et introspective à la fois, Hanna Paulsberg possède déjà tous les attributs que l’on accorde à des musiciens plus âgés, tels qu’une fine et chaude expressivité, une sonorité sensuelle aisément identifiable et un talent narratif qui emmène l’auditeur dans un univers musical qui ne se départit jamais d’une sobriété bienvenue. En vagues successives, la musique du quintet se déploie entre élégance formelle et audacieuse liberté ; cela suffit à la placer au sommet de la pile des disques à écouter.
https://hannapaulsbergconcept.bandcamp.com/album/himmel-over-hav
LUIGI GRASSO – La Dimora dell Altrove
LP345 Records
Luigi Grasso : saxophone
NDR Big band dirigé par Geir Lysne
Le NDR Big Band est depuis sa création une référence du grand orchestre jazz qui sait s’adapter au musicien qui le dirige. Dans ce disque, c’est Luigi Grasso qui compose, joue et dirige. Sa musique flirte avec l’ombre de Gil Evans sans pour autant manquer d’originalité. La thématique de ses compositions dans cet album évolue entre deux pôles : la nostalgie du pays et le désir de voyage. Mais que l’on parte de chez soi ou que l’on y retourne, il faut bien voyager ; c’est ce que Luigi Grasso tente d’exprimer et voyez-vous, c’est plutôt réussi. Il y a l’énergie nécessaire au départ et le calme du foyer ; cela se traduit par des moments musicaux qui usent du rythme et de la couleur pour définir l’état d’esprit, que ce soit dans les soli ou dans la pleine expressivité du big band. L’écriture du natif de Campanie est ciselée et elle se développe dans un espace soyeux, sinon capiteux, où les mélodies peuvent prendre leur essor et exprimer la vision du compositeur. L’ensemble est d’une grande richesse qui évite l’écueil du superfétatoire et demeure en tout point parfaitement équilibré. De la belle ouvrage, comme on dit.
DONNY MCCASLIN . Lullaby for the lost
Edition Records
Donny McCaslin : saxophone
Jason Lindner : claviers
Ben Monder, Ryan Dahle : guitare
Tim Lefebvre, Jason Maron : basse
Zach Danziger, Nate Wood, Mark Giuliana : batterie
Ceux qui ont connu le Donny McCaslin des débuts et qui n’ont pas suivi son évolution seront surpris, voire désarçonnés, par le contenu de ce disque. Le tout acoustique est un souvenir ancien et la place est faite aux multiples possibilités de l’électrique et de l’électronique. L’ambiance qui en découle appartient à son époque mais n’a jamais la pauvreté de nombres de productions qui tirent vers le bas tous les standards de la musique. Dans cet album, tout est travaillé aux petits oignons et pas un recoin n’échappe à la sagacité du compositeur et leader. Certes, l’ensemble a plus à voir de prime abord avec le rock, la pop, qu’avec le jazz stricto sensu (encore que…) mais on s’en moque un peu car, on vous le redit, c’est vachement bien fait et jouissif. Et si le line up change d’un morceau l’autre, cela n’influe pas sur la musique car tous les musiciens convoqués sont au sommet de leur art et savent se fondre dans l’univers du saxophoniste. Les titres, qu’ils poussent l’auditeur dans ses retranchements ou qu’ils soient apaisés, sont bourrés d’une énergie positive qui fait du bien aux oreilles et pas que. La question est-elle de savoir quelle a été l’influence de David Bowie sur la musique post Blackstar du saxophoniste ? Chacun a sa réponse. Une chose demeure certaine, ce disque est une réussite.
https://www.donnymccaslin.com/
AKI RISSANEN . Imaginary mountains
Editions Records
Aki Rissanen : piano, grand piano électrique
Antti Lötjönen : contrebasse
Teppo Mäkynen : batterie
Avec son trio créé en 2012, Aki Rissanen ne cesse de défricher son propre univers. Il creuse, il l’attaque sous tous les angles, le malaxe et le façonne d’un album l’autre. Ici, c’est la rythmique itérative et l’usage d’un piano électrique des années soixante-dix qui renouvellent les structures et la sonorité du trio. Si le titre du disque fait référence aux Personal mountains de Keith Jarrett, il n’en demeure pas moins un disque personnel… Mélodique en diable, la musique se développe avec des progressions plus ou moins complexes qui mettent l’accent sur la profondeur. A aucun moment dans ce Cd il n’y a de temps morts, de temps faibles. Les trois acolytes ayant une longue habitude musicale commune, ils ne laissent rien au hasard et la densité qui se dégage de chacun des morceaux démontre, s’il le fallait encore, que le pianiste finlandais fait partie des musiciens qui ont des choses à dire, à jouer, et qui savent comment les partager pour toucher au cœur l’auditeur. C’est un jazz habité que produit le trio et on vous conseille de l’écouter.
WAKAN . Being Dantès
Hanji R ecords
Francesca Han : piano
Pierre Fenichel : contrebasse
Fred Pasqua : batterie
Avec des compositions allant à l’essentiel et transmettant des émotions fluides sur des grilles allant du simple au complexe, Francesca Han et ses complices créent une musique originale qui navigue entre l’intime et l’expressif. Bien que les mélodies soient simples, leurs lignes de fuites les portent vers un univers sonore qui donne souvent à la suspension un indicible attrait. A d’autres moments la puissance rythmique semblent repousser les murs. Inspirée par la première partie du Comte de Monte-Cristo de Dumas, quand Dantès est enfermé au château d’If, la musique de Francesca Han fait une grande place au sensoriel et cela emmène l’auditeur dans des temps ouverts qui ouvrent un espace dilaté dont les repères en clair obscur ne sont que le support d’un rêve (sortir de ce château entouré d’eau ?) presque sans fin. Comme l’écoute entre les trois musiciens est dans cet album le ciment d’une expression musicale intense, nous nous sommes laissés capturer sans effort. Il en sera de même pour vous. Recommandé.
JAKOB BRO & MIDORI TAKADA . あなたに出会うまで / Until I Met You
Loveland Music
Midori Takada : percussions, piano, marimba
Jakob Bro : guitare acoustique
Avec ce disque, Midori Takada (1951-) et Jakob bro (1978-) font pénétrer l’auditeur dans un monde onirique tissé de mélodies limpides, d’espaces apaisés grandement ouverts à une respiration silencieuse (ou presque), à une rêverie suspendue dans l’incertitude de l’instant, juste avant que la beauté naisse des sonorités musicales développées par les deux musiciens. Zen est le premier adjectif qui nous à l’esprit à l’écoute de duo qui nous parle quasiment au-delà de la musique. Les impatients, les amateurs de rythmiques lourdes, de riffs endiablés, d’éclats en tout genre, vont mourir d’ennui avant la fin du premier morceau. Les autres se laisseront emporter dans un univers feutré où la résonance longue est une vertu nécessaire à l’épanouissement du sensible. Jakob Bro dit de Midori Takada qu’elle peut transformer un moment de néant en quelque chose. Nous en dirons autant du guitariste danois et les deux se sont donc bien trouvés. Si vous aimez les parenthèses sur le fil du temps qui passe, ce disque est pour vous.


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