« Pourquoi ne pas disserter comme vous le souhaitez sur les fameuses sonates de Domenico Scarlatti, disparu en 1757 ? ».
Selon Fabrizio Cassot, plus homme de musique ici que simple saxophoniste, c’est peu ou prou l’étrange proposition qu’il reçut il y a quelques mois de l’Institut italien de Madrid. A charge pour lui et donc pour Aka Moon de prolonger la musique du compositeur italien, voire européen, en en révélant, d’une autre manière, toutes les nuances actuelles via un orchestre réparti entre saxophone, basse électrique et batterie et, en sus, un piano tenu par Fabian Fiorini, vieux complice, déjà, du trio belge.
Au départ, pourtant, que ce soit la basse, le sax ou le piano qui introduit la sonate ou le menuet, on ne semble guère s’écarter du « texte », des harmonies du maître italien, certaines étant tout de même plus familières que d’autres (Scarlatti en aurait composé plus de 500….révérence).
C’est après, si l’on peut dire, que ça se gâte, lorsque le quartet se met à revisiter cette musique en lui insufflant ses propres énergies ou ses intimes convictions.
Pourtant, la présence du piano et de Fabian Fiorini, qui s’est largement approprié la musique de Scarlatti, gomme d’entrée ce qui pourrait apparaître comme un hiatus rédhibitoire entre une musique du XVIIIème et les préoccupations de musiciens contemporains du début du XXIème. Ses introductions donnent même l’impression de se conformer en tous points à la musique du maître.
Mais arrivent alors, en chœur ou en ordre dispersé, ces trois autres instruments, joués par Fabrizio Cassol, sax, Stéphane Galland drums et par Michel Hatzigeorgiou basse. On imagine le reste : des instruments contemporains, des musiciens qui n’en sont pas à leur coup d’essai, une musique qui se prête à ce genre de déformation ou de réinterprétation…..il n’en faut pas tellement plus pour voir s’écrire sous nos yeux comme une nouvelle musique foisonnante, tour à tour enjouée ou profonde, qui multiplie les nuances, les clins d’œil et les affirmations deux siècles et demi après l’invention du modèle.
Fresu, Sosa, Gurtu, un trio qui ne peut que séduire
Le trio que forme Paolo Fresu, Omar Sosa et Trilok Gurtu ne peut que séduire : le talent de chacun, leur biographie, rythmée par de multiples albums, concerts, rencontres et engagements, mais aussi leur origine géographique, et surtout, surtout, la musique qui les a, chacun, rendus célèbres.
Certes, tous trois se sont déjà rencontrés par le passé. A de multiples reprises. Que ce soit le trompettiste et le pianiste qui se sont découverts et appréciés il y a plus de dix ans et qui, depuis, ne cessent de se retrouver à l’occasion d’un disque ou d’apparitions sur scène. Il en est de même du percussionniste qui, lui aussi, a joué à plusieurs reprises avec Paolo Fresu.
Mais, cette fois, l’intérêt est de les voir se réunir sous la houlette du trompettiste et de jouer ensemble en mettant en commun des musiques évidemment fort dissemblables.
C’est cette alliance entre une trompette ou un bugle éthéré, des claviers joyeusement énergiques et de fines percussions arrivées d’un autre continent qui évidemment séduit. Le schéma musical est pourtant on ne peut plus simple et familier.
Lancé par le trompettiste ou le pianiste venu à grands renforts de claviers. Et soutenu, quand enfin il trouve le niveau du son à son goût, par ce maître des tablas qu’est Trilok Gurtu.
Une superbe maîtrise instrumentale
Dire qu’on a été de découverte en découverte serait sans doute exagéré. Mais les trois complices savent habilement insister sur l’originalité de leurs mélodies et sur leur superbe maîtrise instrumentale.
Une fois encore, Paolo Fresu sait d’une envolée de son bugle ou de sa trompette (bouchée) séduire l’oreille. De trois accords bien plaqués sur l’auguste piano de concert, Omar Sosa vous ramène sans coup férir vers son Cuba natal.
Enfin, Trilok Gurtu a l’art de mettre la moindre percussion au centre du discours, avec un réel à-propos.
Toutefois, le trio ne s’arrête pas là, ne se suffit pas de cela. Via divers artifices (balais sur les cordes du piano, percussions aux allures de bouilloire antédiluvienne, effets électroniques sur le bugle), ils élaborent sous nos yeux comme une nouvelle musique qui se révèle beaucoup plus que la simple synthèse des trois musiciens qui le composent.
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