Musique Classique et Jazz sont deux courants que l’on entend souvent opposer l’un à l’autre, tant dans la pratique que dans l’esthétique. Les passerelles existent bien évidemment, avec de beaux exemples en France, tels Lionel Belmondo ou Jean-Philippe Viret. Mais, au delà du simple emprunt à l’un des deux, les formations prêtes à tenter un réel rapprochement de ces deux univers ne sont pas légions.
Le nonet d’Hervé Salamone est de celles-là.
Le groupe est composé d’un quintet, « Côté Jazz », avec Hervé Salamone (trompette), Gilles Trial (guitare), Ben Guyot (contrebasse), Charles Clayette (batterie) et Romain Nassini (piano) et d’un quatuor à cordes « Côté classique », avec Gaël Rassaert (violon), Vincent Soler (violon), Vanessa Borghi (alto) et Valérie Dulac (violoncelle).
On pose le décor
Le concert débute de façon originale et presque ironique, par un hommage à Wynton Marsalis, l’un des gardiens du Jazz « traditionnel ».
Le quatuor ouvre seul ce morceau par un passage doux et mélancolique. Un éclairage, bien pensé tout au long du concert, vient souligner le côté onirique de la musique avec une lumière crépusculaire, centrée sur les musiciens.
Sur la deuxième partie du morceau, c’est au tour du quintet de jouer seul. L’ambiance change radicalement, avec riffs de piano tonitruants à la Andy Emler et improvisations débridées.
On dirait presque qu’Hervé Salamone a d’abord voulu montrer, avant d’opérer un rapprochement de ses deux courants, à quel point Jazz et Musique Classique sont différents.
De la suite dans les idées
A ce morceau introductif succède la suite proprement dite, cinq mouvements liés entre eux par des interludes pour former un titre unique de quarante cinq minutes.
Tous ensembles cette fois, les musiciens nous font entrer dans une histoire passionnante, où le temps s’efface. Les ambiances et les styles se succèdent, oscillant entre Jazz et Musique Classique, avec tout de même une dominante Jazz.
Tous les Jazz sont d’ailleurs représentés, des précurseurs, avec des passages à la Gerschwin, au Jazz rock, façon Gateway (DeJohnette/Holland/Abercrombie). Entre les deux, les mouvements font se succéder (dans le désordre) Be Bop, Hard Bop ou Jazz moderne et des ambiances Jungle ou orientalisante (à la Caravan).
Le quatuor, tantôt en osmose avec le quintet, tantôt en opposition, apporte délicatesse ou tension. Il détourne les morceaux pour les amener vers des ambiances différentes, à l’instar de ce troisième mouvement très « conte de Noël » par moment.
Sous la houlette d’un leader lui-même nourrit au Jazz et au Classique (d’où un son bien clair et précis), les musiciens changent régulièrement de style, mais aussi quasiment de personnalité (mention spéciale au pianiste qui est particulièrement « tout terrain »).
Histoire de poursuivre dans le changement, le concert est clos, en rappel, par un titre « funky lounge », dixit Hervé Salamone. Ce titre, tout aussi réussit que les précédents, vient renforcer l’impression d’une formation éclectique, à l’aise dans tous les styles, qui a réussit à fusionner nombres d’influences pour créer une musique passionnante de bout en bout.
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