Même s’il est un peu tôt pour faire le bilan de cette édition, qu’est-ce qui se dégage de Jazz à Vienne, 38ème ?
C’est un bilan extrêmement positif d’un point de vue artistique. Les projets de création ou importants lancés par Jazz à Vienne ont eu du succès. Par ailleurs, la fréquentation du festival ne se dément pas. Les festivaliers ont augmenté. On le doit, entre autres, au travail de nombreuses années. Autant dans l’augmentation du confort et de l’accueil des artistes que dans la hausse du confort des festivaliers, la cohérence du support communication ou encore, la meilleure signalétique. Ce sont aussi les efforts faits sur le site de Cybèle, lequel fait coexister trois scènes qui fonctionnent de midi à 2 heures du matin. Cybèle est devenu un point central du festival, de plus en plus suivi tout au long de la journée par les festivaliers qui savent qu’il s’y passe toujours quelque chose.
Quid de l’affiche 2018 ? Quelle surprise préféreriez-vous mettre en avant ?
Ce serait la création d’Ibrahim Maloouf qui a été au-delà de mes espérances en termes d’écriture et d’exigence alors qu’il n’y a eu que deux répétitions. C’est hallucinant. C’était d’une beauté et d’une sensibilité quasi folle. Il y a eu aussi de bons moments, ainsi l’anniversaire de Rhoda Scott ou le concert d’Hermeto Pascoal qui était venu à Jazz à Vienne en 1986, il y a 30 ans. Ca me frappe d’autant plus que cette année-là, je « fêtais » en Bretagne mon premier anniversaire. On pourrait aussi évoquer certains concerts, à Cybèle, au Club de Minuit ou au théâtre antique.
A comparer l’affiche de Marciac, on est frappé par une différence d’affiche plus nette que par le passé. Comment l’expliquer ?
Avec Jazz in Marciac, l’ADN est commun. Par exemple, Marciac s’ouvre avec de très beaux projets, comme cette soirée Marsalis-Maalouf mais s’ouvre aussi à d’autres couleurs musicales. Ainsi, Selah Sue. Il y a évidemment des points communs mais aussi des différences. Ça dépend des affinités des programmateurs, lesquelles ne sont pas tout à fait les mêmes. A Jazz à Vienne, nous sommes sans doute plus tournés vers les musiques du monde ou les musiques traditionnelles. En la matière, nous tenons compte ici du renouvellement du public.
A ce propos, quelles sont les évolutions qu’on constate chez ce public de festivaliers ?
Ce que tout le monde constate : il y a un public vieillissant pour le jazz. La nouvelle génération restera-t-elle sensible à cette musique ? J’ai envie d’être optimiste mais je suis convaincu que ça passe par le croisement des musiques, par l’arrivée du Hip Hop, de l’électrique. Après, le public change tout le temps et il faut être très attentif.
Mais ce qu’on note à Vienne, c’est la très forte fidélité de ce même public. Ça dépasse tout. Les gens sont attachés au festival, mais, rançon de la chose, ils sont très exigeants. Et ça ca nous pousse : Jazz à Vienne a une image très forte depuis sa création et, du coup, c’est à nous de les surprendre, de continuer à intéresser nos fidèles notamment en allant chercher de nouveaux artistes.
On souligne souvent que le public de Jazz à Vienne n’est pas un public de vacanciers ou de touristes. Est-ce toujours vrai ?
Le public de Jazz à Vienne est à 80% originaire de Rhône-Alpes. Et les festivaliers originaires de l’agglomération lyonnaise en constituent une part très importante.
Les Nuits de Fourvière qui bénéficient d’une forte subvention et d’un accès plus qu’aisé par transports en commun, sont-elles alors une rude concurrence ?
Les Nuits sont un festival pluridisciplinaire tournées entre autres vers les musiques du monde. On fonctionne en bonne intelligence et on se voit souvent, en septembre et octobre. On se voit aussi sur les salons. Il y a des choses qu’on souhaite programmer et vice versa. Ainsi, on tenait à faire à Vienne Mulatu Astakté qui est passé dans la soirée « Afrique » ou à organiser la soirée hip hop…. Il y a place pour les deux évènements. On peut trouver notre place. Ce n’est pas conflictuel. D’une façon plus générale, on aime bien travailler avec tout le monde : avec les clubs de jazz, lyonnais ou autres, avec la Maison de la Danse, ou avec l’Auditorium, le Périscope, mais aussi avec l’Alliance française ou le Goethe Institut.
Il y a tout de même une réalité : l’accessibilité de Vienne ne s’arrange pas, année après année, entre autoroute bondée, parkings pleins ou très chers (15 euros facturés par Effia à la gare le temps du spectacle) etc….
C’est tout l’intérêt des modes alternatifs que nous prônons : la Région et la SNCF ont mis en place depuis un certain temps un train retour (cette année, son départ était à 0h37 de Vienne) qui dessert désormais les gares de Perrache et de Jean-Macé. A quelques jours de la fin du festival, on comptait déjà 500 festivaliers de plus que l’an passé. On aimerait que ce soit plus, beaucoup plus, sachant que la gare de Vienne est seulement à quelques mètres de Cybèle et du Théâtre antique. Le co-voiturage se développe également et les parkings extérieurs que nous avons mis en place s’appuient sur des navettes gratuites directes vers le Théâtre.
« Un festival, c’est un équilibre global, avec des soirées pleines et d’autres plus resserrées »
Avec la pression financière qui s’exerce sur tous les festivals, et notamment sur Jazz à Vienne qui vit avant tout de sa billetterie, le risque existe de soumettre la programmation au nombre des entrées. Qu’en est-il réellement ?
Non, ce n’est pas le cas. Ce soir (mercredi 10 juillet), on a à peu près 3 000 festivaliers payants…Un festival qui s’étend sur une quinzaine de jours, c’est un équilibre. L’idée n’est pas de vouloir faire rentrer 5 000 personnes chaque soir. Evidemment, le remplissage est important et on ne perd pas de vue ces notions de rentabilité. On y fait attention. Mais un festival c’est un équilibre global avec des soirées pleines et d’autres plus resserrées. Sans doute, si on faisait un festival ou un événement qui ne durait que trois jours, on serait plus attentif à avoir des soirées affichant complet. A Vienne ce n’est pas le cas.
L’équilibre des recettes de Jazz à Vienne est souvent cité en exemple : face à des évènements qui bénéficient de 40, 50 ou 80% de subventions, le festival fonctionne essentiellement grâce à sa billetterie. Tout de même, les collectivités locales ou les « partenaires » ne sont-ils pas tentés de conditionner leurs aides à un certain type de spectacles ou de programmation ?
Non, en retour, ils ne demandent pas grand-chose. Pour notre part, nous sommes contents de les associer ou de nous associer à des démarches qu’ils initient. Ainsi la démarche « handicap » de la Région, ou la ville, l’agglomération ou le département sur certains sujets (informatique, résidences d’artistes etc).
La montée de l’affluence dans l’espace de Cybèle comme au théâtre municipal, souvent pleins tous les deux, n’imposerait-il pas la création d’une nouvelle scène intermédiaire au festival, de 600, 800 ou 1 000 places ?
Ça existe déjà en partie avec le Théâtre qui accueille alternativement le Club de Minuit et le Jazz Mix. Il a rencontré, il rencontre, un vrai succès. Mais je rappelle que le fondement de Jazz à Vienne c’est le théâtre antique. Concernant une salle intermédiaire de 600 places, on l’a expérimentée cette année avec le concert dessiné jeudi après-midi. C’était la première fois. La fréquentation a été bonne et ça nous conforte dans l’idée de faire quelque chose dans ce sens. Au-delà, c’est l’idée de proposer un autre événement payant qui ne cannibalise pas le théâtre antique.
Comment Jazz à Vienne perçoit-il le jazz régional ?
Un peu comme s’il en était le grand frère. Le festival est à la fois la grande fête du jazz et un lieu de rencontres et de collaborations. Par exemple, cette année, avec le Périscope ou avec l’Opéra de Lyon qui reçoit trois groupes programmés au festival. Avec Olivier Conan, le directeur du Péristyle, qui est fou de jazz et de musique colombienne, nous nous sommes rencontrés à New York. De même, Charles Trudel venu à Vienne jouait ce soir au Bémol 5.
Alors que la 38ème édition se termine et que le bilan encore à venir, comment se présente l’avenir ?
Pour l’instant, en effet, l’édition n’est pas terminée et nous restons très concentrés sur elle. Puis, on va commencer à rédiger le bilan. Pour la suite, la programmation de l’Auditorium a déjà été annoncée et nous travaillons déjà sur 2019. Le nom du dessinateur de la prochaine affiche sera révélé le 13 juillet et celle-ci sera présentée fin novembre. Enfin, on connaît déjà le lauréat du concours-tremplin Rezzo : Obradovic Tixier duo.
Propos recueillis par Jean-Claude Pennec
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