
ANDREAS HADDELAND TRIO . Estuar
Tare Records
Andreas Haddeland : guitare
Lars Tormod Jenset : contrebasse
Ulrik Ibsen Thorsrud : batterie
Ce trio norvégien existe depuis une douzaine d’années mais il est arrivé dans nos oreilles il y a un mois à peine. Guitare / basse / batterie, une formule éprouvée, n’est-ce pas ? Avec un son contemporain et un goût marqué pour la liberté improvisatrice, ces musiciens développent une musique ouverte, paysagère et organique, qui mérite le détour. Eux se réfèrent en priorité à l’élément liquide pour la définir : « À l’image de l’eau sous ses différentes formes et structures, la musique du trio évolue continuellement de différentes manières, avec une grande liberté et une volonté d’expérimenter. » Pour tout dire, c’est ce que nous avons apprécié. De belles mélodies, une interaction maîtrisée entre les parties, un sens du récit aiguisé, de quoi donner envie. Par certains côtés, il y a du Frisell ( une forme de rêverie déliée) et du Scofield (un son brut sur quelques morceaux) et une once d’Abercrombie chez le guitariste. Avouez qu’il y a pire comme référence. Une chose demeure certaine, ce disque mérite une écoute attentive. Ne vous privez pas.
MEMPHIS SLIM . At the gate of horn
Craft Recordings – Bluesville Acoustic Sounds Serie
Memphis Slim : piano, chant
Matt « Guitar » Murphy : guitare
Alex Atkins : saxophone Alto
John Calvin, Ernest Cotton : saxophone ténor
Sam Chatmon : basse
Billy Stepney : batterie
Séquence émotion. Une goutte de blues pour changer ? On garde le souvenir ancien d’un 33 tours enregistré en concert de Memphis Slim (1915-1988) écouté chez un pote qui nous avait enthousiasmé au point de le faire tourner en boucle. C’était au XXème siècle et l’on était boutonneux… Donc quand Craft Recordings nous avertit d’une réédition, on ouvre les ouïes. Immédiatement l’on retrouve l’énergie brute du gars né John Len Chatman qui fut (et est toujours) une des figures importantes du blues. Le son est râpeux à souhait, roots comme on dit, et la musique habitée par cette forme d’urgence propre à l’idiome (faut dire qu’il y avait de quoi à la fin des années 50 dans une Amérique bien raciste, mais cela a-t-il vraiment changé ?) Bref, c’est de la bonne et cela illuminera une journée caniculaire ou deux, juste pour le plaisir. Dernier détail, ce disque où figurent quelques versions définitives de compositions célèbres, initialement sorti chez Vee-Jay Records en 1959, a été enregistré en studio contrairement à ce que le titre laisse croire, The gate of horn étant un club folk de Chicago. « Every day I have the blues », n’est-ce pas ?
https://fr.wikipedia.org/wiki/Memphis_Slim
https://www.youtube.com/watch?v=_HsaK-_Hb54
SOPHIE TASSIGNON . A slender Thread
Nemu Records
Sophie Tassignon : voix, textures électroacoustiques, programmation basse batterie
Kevin Patton : guitare, programmation basse batterie
Le territoire vocal de Sophie Tassignon est audacieux et se nourrit d’influences multiples. Sa voix unique les assimile, les transforme, les pétrit et les recrée jusqu’à faire du résultat musical une démarche personnelle sensible et remarquable. Quelle que soit la langue dans laquelle elle chante (ici, l’anglais, l’arabe et le russe), elle porte un monde dénué de frontières et le partage avec l’auditeur. Si ce dernier aime être surpris, il sera la proie consentante d’un univers sensoriel souvent hypnotique et empli d’un imaginaire fécond parfaitement original. C’est également un plaidoyer pour une humanité unie par delà les différences et célébrant les cultures comme lien unique et viscéral entre les peuples. Entre souplesse et tensions, de mots en phrases, la voix de Sophie Tassignon parcourt l’ensemble d’un spectre musical aussi authentique qu’atypique et c’est un bonheur d’écoute permanent assez rare pour être signalé. Si vous ne succombez pas au talent de cette artiste, vous êtes sourds. Vivement recommandé.
SINNE EEG & JACOB CHRISTOFFERSEN . Shikiori
Stunt Records
Sinne Eeg : chant
Jacib Christoffersen : piano
Sinne Eeg aime les duos. On l’avait appréciée avec le contrebassiste Thomas Fonnesbæk en 2022, on l’a appréciée avec le pianiste Jacob Christoffersen. Le disque, enregistré au Japon, possède la saveur propre au duo ; les deux artistes collaborent depuis vingt ans et l’intimisme qui les réunit n’en est que plus beau. Qu’ils mettent en musique leurs propres compositions, un titre d’Annie Lennox ou des standards ne change rien à l’unité de ton de l’album. Il y a de l’espace, cela respire. Prise sur le vif, sans retouche, leur musique se développe sur des schémas très libres que leur permet la complicité intuitive qu’ils ont acquise au fil du temps. Sinne Eeg et son grain de voix si particulier fait des petites merveilles sur le tapis mélodique du pianiste et rien ne semble pouvoir les dévier du chemin qu’ils se sont choisi. C’est donc un disque purement musical, réconfortant, dont le souffle humain masque parfaitement la technique à l’œuvre des deux protagonistes. Comme il est dit dans les notes d’intention, pas d’intelligence artificielle, juste du bon goût, du plaisir à s’impliquer à deux dans un moment de musique amical unique. Recommandé.
LIV ANDREA HAUGE . Døgnville
Hubro
Liv Andrea Hauge : piano
Georgia Wartel Collins : contrebasse
August Glännestrand : batterie
Døgnville est un terme norvégien qui caractérise un état de décalage avec le réel et le temps. On nous dit aussi que ce disque a été composé pour partie alors que la pianiste était alitée en proie à de fortes fièvres, l’autre partie du disque venant elle de l’expérience scénique du trio. Soit. C’est le troisième disque du trio et l’on peut affirmer que cela s’entend pour le meilleur car il n’y a pas de pire dans cet album. Une chose est sûre et certaine, Liv Andrea Hauge est très jarrettienne, ce qui n’est pas honteux d’ailleurs. L’album a été enregistré dans une pièce unique en direct, d’où cette impression à l’écoute de musique organique. Comme dans les deux précédents disques du trio, les mélodies proposées ont cette apparente simplicité qui fait mouche et happe l’auditeur sans effort de manière assez magnétique. Pas d’emphase inutile dans cette musique et une entente épatante entre les trois membres du trio font que ce disque mérite toute votre attention.
https://www.livandreahauge.com/
BUGGE WESSELTOFT . Am Are
Jazzland Records
Bugge Wesseltoft : Piano, Synthés, orgue, Fender Rhodes
Elias Tafjord : batterie
Rohey Taalah : voix
Martin Myhre Olsen : Saxophone
Arild Andersen : contrebasse, Effets
Gard Nilssen : batterie
Sveinung Hovensjø : basse
Jon Christensen : batterie & cloches
Jens Mikkel Madsen : contrebasse
Øyunn : batterie
Oddrun Lilja : Guitare
Sanskriti Shrestha : Tablas, Harpe
Avec ce disque, sorti en mars mais reçu ces derniers jours, on retrouve Bugge Wesseltoft, pionner du Nu Jazz, en très bonne compagnie. Certaines des sessions incluses dans l’album ont une dizaine d’années (Jon Christensen est décédé en 2020), le reste est plus récent. De facto, cela importe peu car le disque n’en est pas moins homogène. Accompagné par la crème des musiciens septentrionaux, Bugge Wesseltoft propose une musique changeante mais jamais inintéressante. Composés ou improvisés, les titres possèdent tous leur charme propre avec pour base la musicalité particulière du leader, celle qui l’a placé là où il est aujourd’hui et en a fait une référence incontournable du genre. Il est cependant notable que certains des morceaux de cet album emprunte beaucoup plus au jazz qu’au Nu Jazz précité et l’on trouve que c’est très bien comme ça. Bugge Wesseltoft est le détenteur d’un langage musical qui n’appartient qu’à lui et ceux qui le suivent depuis toujours ne seront pas déçus. Les autres découvriront un univers, ce qui est toujours une bonne chose. Soyez curieux.
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