Finesse. Voix, douce, incisive. Scat à la précision extrême et aux mille nuances : même si Camille Bertault explique volontiers, sur cette petite place de Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme) transformée en salle de concert d’un soir ou deux pour Parfum de Jazz, que s’entraîner sur des standards–de préférence trompette ou sax- est le lot de tout artiste vocal, son impro à elle ne cesse de scintiller, claire, d’une finesse extrême et ne faiblissant jamais…
Rien d’étonnant alors, comme elle le rappelle au détour d’une chanson, qu’une de ses impros, il y a deux ou trois ans, sur un de ces « réseaux sociaux », nouveaux juges de paix, ait agi comme un effet de poudre sur sa notoriété et sa jeune carrière.
Un répertoire qu’elle revisite du haut de sa trentaine
Mais, il y a de quoi ; là où beaucoup d’autres se casseraient les dents en s’attaquant à un thème de Coltrane ou à telle ritournelle de Bach, Camille en joue comme elle respire, les mains semblant égrener dans le même temps une harpe qu’elle seule entrevoit.
Du coup, on imagine avec quelle aisance elle s’empare de tout un répertoire qu’elle revisite du haut de sa trentaine : de Gainsbourg à Boris Vian, de Wayne Shorter à Brassens. Jazz enjoué pour un inattendu « je me suis fait tout petit devant une poupée » qui fait mouche. Et pour boucler la boucle, et pour toujours aller voir ailleurs, elle en appelle à Hermeto Pascual et à ce Brésil qui l’en-chante.
Elle y réussit d’ailleurs bien mieux qu’en anglais, trop teinté de niçois, allez savoir.
Au cœur de son concert, bien entendu, son dernier album : « Pas de géant ». Coltrane ici francisé mais sans rien perdre de son influence, sautant les générations. Etrange de savoir que le lendemain soir, c’est Archie Shepp qui est annoncé ici, sacré trait d’union entre elle et le glorieux aîné.
Une ballade où l’espiègle laisse la place au profond
Chanteuse, pianiste mais surtout comédienne ? Son interprétation libre d’une chanson éloge à notre 12° rouge national est confondante. Danse titubante achevée à terre dans une liberté de ton, de geste et d’attitude qui en dit long sur la maîtrise de l’artiste de tous ces ingrédients inhérents au spectacle et sur son plaisir d’être en scène. Idem pour cette « Conne » de Brigitte Fontaine, reprise avec une conviction désarmante. Mais qui peut le moins….c’est dans un medley accéléré que l’on perçoit mieux encore son art de l’impro s’attaquant au répertoire classique : voici Satie,Bach, Ravel.
Enfin, c’est au piano, cette fois seule, qu’elle interprète l’une de ses compositions., « Tantôt », après un détour par une ballade aux allures de retour sur l’enfance, Winter in Aspremont,….où l’espiègle laisse la place au profond.
Ce sont d’ailleurs ces contrastes ou ces paradoxes qui intriguent le plus : cette aisance à la voix ou au geste qui laisse supposer un travail plus que millimétré ou cette superficialité de façade qui cède ici ou là pour laisser entrevoir d’autres visages plus retenus.
Mistral contre partitions : score final nul
Dans le même temps, le petit drame silencieux qui se jouait derrière elle trouve enfin son épilogue : alors qu’il tentait en vain de retenir du pied ses partitions qu’un mistral mauvais faisait valser (façon Monsieur Hulot-les Vacances, vous vous souvenez ?), son contrebassiste trouve enfin le temps, posément, de ramasser ses partitions.
Ouf. Le concert peut prendre fin. Moment délicat, limite enchanteur, bien servi par les trois musiciens installés à ses côtés, sobres, attentifs, efficaces, et même béni, à 22 heures tapantes, par les cloches de l’église proche.
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