S’effaçant presque derrière le quartet ainsi réuni, la chanteuse a séduit le théâtre antique le temps d’un set d’une extrême mesure. Il faut dire qu’outre Joe Lovano, étincelant, Diana Krall disposait près d’elle de deux magnifiques piliers, Robert Hurst et Karrien Riggins
Diana Krall-Joe Lovano : que voulez-vous qu’il arriva ? Moment de grâce, de jazz susurré du bout des doigts, des lèvres, équilibre quasi-parfait entre quatre artistes qui, en effet, interviennent plus en quartet qu’en trio accompagnant la dame plantée à l’avant-scène. Le résultat fait mouche d’entrée. Surtout que loin d’être un simple « invité » appelé à intervenir sur un ou deux morceaux comme on pouvait le penser, Joe Lovano –petit chapeau, moustache second empire, cravate de bon aloi- a assuré le set entier, rejoignant même le trio lors du rappel.
Que voulez-vous qu’il arriva ? Une sorte de jeu à quatre tout en retenue, attentif à chaque inflexion de l’un ou de l’autre. Certes, Diana Krall lance le thème, familier ou non. Toucher léger comme une plume. Quelques paroles chuchotées, comme pour faire le moins de bruit possible. Prétexte pour lancer le quartet qui se frotte déjà les mains de ce qu’il va en faire. Comme espéré, Joe Lovano est, dans ce contexte, resplendissant : des impros ou des réparties comme autant de pépites. Se glissant ici et là, ajoutant lorsque le moment est venu, une touche, un rien, pour relancer, pour éclairer, surtout pas pour conclure. A peine dit, la balle est déjà dans le camp de Karrien Riggins aux drums ou, surtout, dans celui de Robert Hurst. Ici, la contrebasse se fait instrument majeur de l’ensemble, symbole de sa cohésion comme du bouillonnement incessant qui le sous-tend. Voilà des années que sa route croise et recroise celle de Diana Krall : ce qui peut expliquer cette intimité qui s’impose à un théâtre antique sous le charme.
Comme s’impose ce moment d’équilibre qu’un rien pourrait mettre par terre et que ces huit petites mains maintiennent, là , sous nos yeux, précieux comme une bulle qui peut à tout instant éclater.
Certes, le set n’a pas évité quelques passages à vide. A mettre sur le compte du marathon des concerts que la chanteuse enchaîne actuellement ? Heureusement, c’est fugace et ça ajoute même aux douces intonations de la chanteuse, plus souriante que par le passé et qui n’oublie pas de rendre un hommage complice à Elvis Costello dans un des derniers thèmes abordés.
Gare à l’hétérogénéité des genres
En première partie, Paul Jarret était donc sur scène, en compagnie de Jim Black, inspirateur et modèle du Talents Adami Jazz venu à Vienne. En remerciant, à la fin du concert, le public de l’avoir « patiemment » écouté alors qu’il était évidemment là pour Diana Krall, le guitariste aura lui-même mis le doigt sur le risque que font courir des soirées peu hétérogènes censées ramener des publics divers : des spectateurs peu attentifs, babillant au soleil couchant, histoire de tuer le temps et de passer le set.
La musique exigeante de Paul Jarret mérite mieux.
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