FRANCESCO BEARZATTI / FEDERICO CASAGRANDE . And then winter came again
Camjazz
Francesco Bearzatti : saxophone, clarinette
Federico Casagrande : guitare
Avec ce disque en duo réalisé par deux artistes qui se connaissent parfaitement, il est aisé de dire d’emblée que c’est du caviar. L’interaction entre le saxophoniste et le guitariste est alchimique. C’est une belle évidence. Au cœur du projet est la mélodie, sous toutes ses formes, et les compositions du guitariste les placent dans un univers en suspension. Aériennes et sinueuses, elles se développent dans la retenue, s’échafaudent dans une évanescente précision. Le lyrisme transalpin, lui, est présent sous deux facettes, l’une chaleureuse et émotionnelle, celle du saxophoniste, et l’autre, plus insaisissable et mélancolique, celle du guitariste. La rencontre des sensibilités complémentaires de Francesco Bearzatti et Federico Casagrande donne un exemple rare de travail musical totalement abouti dans un espace symbiotique. C’était déjà le cas avec leur précédent album enregistré en public « Lost songs » (les compositions alors étaient de la plume du saxophoniste) et c’est cette particularité qui fait sens là encore. Un disque fait par deux humains avec de l’intelligence naturelle. Jetez-vous dessus.
https://www.francescobearzatti.com/
https://www.federicocasagrande.com/
ENRICO PIERANUNZI . Hindsignt, Live at La Scène Musicale
CamJazz
Enrico Pieranunzi : piano
Marc Johnson : contrebasse
joey Baron : batterie
Le tôlier du jazz en Italie, c’est bien lui (même si Enrico Rava peut revendiquer le titre à juste titre lui aussi). Par sa présence musicale constante, ses enregistrements nombreux très majoritairement en trio, il représente une tradition du jazz mélodique (furieusement) avec un niveau d’exigence que beaucoup peuvent lui envier. Dans ce disque en public avec deux ses collègues et amis, Enrico Pieranunzi est au mieux de sa forme. Avec Joey baron, ils mettent le feu tandis que Marc Johnson, plus placide par nature, assume une assise rythmique sur laquelle on pourrait longuement s’attarder tant elle est parfaite. L’ensemble coule de source et l’interplay tutoie les sommets. Harmoniquement riche, comme toujours avec le romain, virtuose sans jamais être bavard, le trio distribue aux oreilles présentes dans la salle un jazz que l’ombre tutélaire de Bill Evans entérine avec un franc sourire. L’art du trio, on en parle souvent. Le trouver à ce niveau est assez inusité pour qu’on vous le signale. Peut-être est-ce pour cela que l’on pense qu’Enrico Pieranunzi est le patron en son domaine. Un disque indispensable, bien évidemment.
https://www.enricopieranunzi.it/
WENDY EINSENBERGER . Viewfinder
American Dreams
Wendy Eisenberg : guitar, voix
Tyrone Allen II : basse (1.3.5.9)
Zekereyya el-Magharbel : trombone, électronique
Andrew Links : piano, claviers, électronique
Carmen Q Rothwell : basse (4)
Booker Stardrum : batterie, électronique
Chris Williams : trompette, électronique
Comment voir clairement la réalité, c’est la question que se pose Wendy Eisenberg dans ce très beau disque aux ambiances un tant soit peu linéaires et légèrement inquiétantes. On est loin du jazz traditionnel mais ce n’est pas un mal en soi. Dans cet album, comme par le passé, la guitariste (et chanteuse) explore et expérimente le concept de vision tel que nous le pensons et croyons le connaître. Elle écrit d’ailleurs dans les notes du disque que l’objectivité (du regard) est un mythe séduisant. Ce n’est pas le photographe qui écrit ces lignes qui la contredira. Et la musique dans tout cela ? Elle puise dans le monde contemporain des mélodies et des dissonances qu’elle assemble sur des rythmiques ici et là répétitives, mais pas seulement. C’est une musique de questionnement qui est magnifiquement portée par la vision singulière de la leader. Fort bien entourée, Wendy Eisenberg déploie ses interrogations en musique dans un univers qui lui est propre et que nous vous recommandons.
https://wendyeisenberg.bandcamp.com/
MICAH THOMAS . Mountains
Artworks Records
Micah thomas : piano
Adam O’Farrill : trompette
Immanuel Wilkins : saxophone alto
Nicole Glover : saxophone ténor
Caleb Smith : trombone
Kanoa Mendenhall : basse
Kweku Sumbry : batterie
Micah Thomas est l’une des nouvelles sensations du jazz américain, avec Emmanuel Wilkins que l’on retrouve dans cet enregistrement, et ce n’est pas usurpé. Nous l’avions écouté en solo, en trio, et le voilà maintenant, dans ce disque, à la tête d’un septet de jeunes loups capté en public. Pour le pianiste et compositeur, il s’est agi de représenter les paysages naturels (un paysage artificiel est-il un paysage ?) dans leur diversité. Nourrie d’influences musicales diverses, sa musique emprunte des chemins sinueux, fruit d’une écriture riche et complexe, qui permettent au groupe dans son ensemble de porter une voix assez originale. Le pianiste affirme : « je voulais créer une collection de morceaux offrant une expérience cathartique et massive à la fois pour les interprètes et le public. Il s’agit de capturer la camaraderie et le débordement d’idées que procure la rencontre d’un grand groupe de musiciens entre eux. » On ne dira pas mieux. Néanmoins, nous avons trouvé l’ensemble un peu trop intellectuel à notre goût et, si nous avons apprécié la finesse et la fertilité des idées musicales mises en place, nous n’avons adhéré que du bout des oreilles. A vous de voir.
https://www.instagram.com/micah.io/?hl=fr
MIKE STERN . Echoes and other songs
Mack Avenue
Mike Stern : guitare, choeurs (9)
Chris Potter : saxophone ténor
Jim beard : piano, claviers
Christian McBride : basse (1.2.3.6.8), contrebasse (7.10.11)
Antonio Sanchez : batterie
Leni Stern : ngoni ‘1.5.8)
Richard Bona : basse (4.5.9) , chant (5.9)
Dennis Chambers : batterie (4.5.9)
Bob Franceschini : saxophone soprano (5), saxophone ténor (4.9)
Quand Mike Stern (1953-) fait un disque, il appelle ses potes et cela fait un combo de luxe (voir ci-dessus) dont on est sûr qu’ils feront de la musique de qualité. Le guitariste du Massachusetts étant de son époque, il fait aujourd’hui encore une musique de son époque, une forme de jazz rock fusion mélodique à souhait. On aime ou on n’aime pas. Ce que l’on peut dire, c’est que la musique proposée dans cet album est tirée au cordeau. Là-dessus, aucun problème, c’est du lourd porté des musiciens XXL que l’on n’imagine même pas prendre en défaut. On peut également certifier que cela nous rappelle notre jeunesse (enfuie). Cela suffit-il à faire de cet enregistrement un marqueur dans la discographie pléthorique de Mike Stern un marqueur indélébile ? On en doute un peu bien que la diversité des genres parcourus par le guitariste soit plus ouverte que par le passé. C’est naturellement virtuose (vu les lascars convoqués, c’est normal nous direz-vous), parfaitement en place, le spectre de Miles dernière période plane ici ou là, et l’on sent que les musiciens présents ont pris plaisir à jouer ensemble. On vous laisse vous faire une idée.
GUILLAUME DE CHASSY . Trenet en passant
LA C.A.D.
Guillaume De Chassy : piano
André Minvielle : voix
Géraldine Laurent : saxophone alto
Un hommage à Charles Trenet ? Pourquoi pas, après tout, le fou chantant est présent dans l’imaginaire collectif, notamment grâce à quelques chansons qui ont traversé le temps. On sait aussi que Guillaume De Chassy ne rate jamais ses projets. L’idée de rappeler à notre mémoire avec une formation réduite à sa plus simple expression le débit de l’eau ou l’âme des poètes, et j’en passe, est à coup sûr une excellente idée. André Minvielle, tout en retenue et en assurance, s’approprie les textes du narbonnais, Géraldine Laurent, dans un souffle redoutable de précision, le poétise en douceur et Guillaume De Chassy lie l’ensemble avec l’aisance pianistique déconcertante qui le caractérise. Le minimalisme musical mis en place par le trio (le duo piano saxophone aussi) nous a rendu Charles Trenet agréable car, avouons-le ici, l’individu nous a toujours débecté. Il n’en demeure pas moins que ses chansons faussement naïves font sens dans ce contexte grâce au travail d’appropriation remarquable effectué par Guillaume De Chassy et ses acolytes. Un pari réussi haut la main.
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