Même s’il a tendance à rejouer le même concert, le jeune tromboniste de La Nouvelle Orléans prend un malin plaisir, samedi 8 juillet, à aller chercher le public pour l’installer dans sa planète musicale. Avec bonheur. Avant lui, Juan Rozoff a fait sensation. Quant à Larry Graham, il fut, le temps d’un hommage à Prince, égal à lui-même. Costume de scène immaculé en plus…
Trombone Shorty trouve-t-il une inspiration particulière au Théâtre antique de Vienne où parvient-il chaque soir à retrouver la même énergie, la même sincérité et le même « amour » du public ? Il faudrait le suivre durant tout l’été et cet automne pendant sa très longue tournée pour élucider la chose. Mais en attendant, pour son grand retour ici, le samedi 8 juillet, le jeune homme a fait merveille. Dévalant son concert comme d’hab.
Trompette et trombone portés en « V » de sa victoire lorsqu’il rejoint son petit band qui l’a précédé sur scène de quelques mesures.
L’orchestre de Trombone Shorty (Photo JC Pennec)
A ses côtés, toujours les mêmes, comme s’ils ne s’étaient pas quittés depuis le Lycée, de gauche à droite, guitare, batterie, basse, et deux saxs, chacun semblant jouer sa survie.
Le concert est bien rôdé. Il y a sans conteste un air de déjà vu dans ces 90 minutes, où l’on retrouve une musique nourrie de tout ce qui peut valoir la peine, soul, rythmn & blues, rock et, of course, funk. Cette fois, le groupe rajoute aussi des nuances rap ou hip-hop.
Troy (Andrews), son vrai nom, en profite pour faire monter la sauce, pour appeler sans cesse le public à le rejoindre, pour mettre ses musiciens en avant, que ce soit le temps d’un solo de baryton, de guitare ou pour les amener à venir danser avec lui à l’avant-scène.
Du coup, le concert devient tout sauf un concert. Plutôt une gentille folie menée de main de maître par ce jeune athlète remonté sur pile qui, comme il le fait souvent, troque ses cuivres pour s’installer à la batterie désertée par Joey Peebles, avant de plonger, au sens littéral du mot, dans la foule, micro en mains, pour la faire danser avec lui. Le show est parfait.
Fort heureusement, le jeune homme qui, dit-on, jouait déjà du trombone dans les rues de sa ville dans les défilés, conserve cette spontanéité qui avait tant séduit lors de ses premières apparitions en Europe, lui qui porte en bandoulière, sa ville et sa culture : La Nouvelle-Orléans.
Du coup, tout devient élément du spectacle : les baskets démentielles de plusieurs de ses musiciens, la transe du sax baryton (Bk Jackson) ou du bassiste, Trombone Shorty s’amusant pour sa part une fois de plus à tenir la note à la trompette plusieurs minutes durant. Ca fait toujours son petit effet. Mais foin d’exploit, sur des thèmes toujours aussi entraînants, il repart de plus belle, a déjà ôté une ou deux épaisseurs de tee-shirts, a posé ses lunettes noires (qui n’ont plus de monture rouge), et dresse sa fougue sur scène ou dans la salle. Celle-ci lui a évidemment fait une ovation, totalement charmée par cet abandon de soi, cette présence sur scène qui sonne comme un cadeau désintéressé mais si sincère.
Evidemment, c’est bien parce que Larry Graham était attendu que le public au bout de 90 minutes de chants, de danses et autre ferveur a laissé enfin partir le groupe sous un ciel étoilé de téléphones allumés.
Auparavant, Juan Rozoff pour démarrer : un sacré défi
Démarrer le premier dans une soirée où sont attendus coup sur coup Trombone Shorty et Larry Graham n’a, on s’en doute rien de simple. Surtout lorsqu’on est relativement absent des scènes et que le théâtre antique affiche sa jauge des grands jours. Mais Juan Rozoff a plus d’un art dans son sac. Dont une musique qui s’inscrit haut la main dans ce funk auquel est dédié la soirée.
Nerveuse, à rebondissements, multipliant les ruptures et les surprises. Lui est d’une élégance rare : un costume léopard croisé (même motif que la guitare) agrémenté d’un haut de forme qu’il arrive à conserver pratiquement sur la tête durant tout le concert.
L’intérêt vient après : ces compositions qu’il faut prendre le temps d’écouter – ce qui évidemment une gageure.
Pas seulement parce que le théâtre antique a d’abord envie de s’amuser mais aussi et surtout que, parmi toutes ses originalités, notre « passeur » français développe un scat bien à lui qui fait merveille mais qui n’aide pas à comprendre toutes les nuances même lorsqu’il entonne quelques-uns de ses « tubes ». Juan Rozoff a beaucoup de métier.
Mais s’il tourne et retourne depuis trois décennies, ses présences sont rares, notamment dans les festivals, où lui et ses compères font merveille. C’est drôle, festif, généreux au 2ème degré, voire 3ème , mâtiné de dérision mutine. Zappa n’est pas loin.
Avec une rigueur musicale qu’on ne prend jamais en défaut. Mais fin du set. Prière de ne pas déborder sur l’horaire. Fini donc ? Fort heureusement, le public en décide autrement.
Le rappel est à l’égal du set. Notre fringant quinqua avoue au passage qu’il aurait malheureux comme les pierres si le théâtre ne l’avait pas rappelé. Bref, c’est sous une sympathique ovation qu’il se retire, pour laisser la place à Trombone Shorty.
Enfin, Larry Graham rend hommage à Prince
Larry Graham (Photo JC Pennec)
A-t-il été inspiré par Trombone Shorty ? Larry Graham a lui aussi tenu à se promener dans le théâtre antique. Dans un costume de merveilleux chevalier blanc, il a donc démarré son concert en descendant du premier étage en livrant déjà quelques notes puissantes sur sa basse. Mais force était de constater qu’on n’était pas dans le même registre.
Il est vrai que passer après le tromboniste, à une heure avancée de la nuit, et tenter d’y réveiller la même ferveur n’est pas acquis, même si Larry Graham et son Graham Central Station consacraient ce concert à un hommage à Prince disparu il y a un an et dont la musique est désormais disponible sur You Tube.
Bref, escorté de Marco Prince et de Jeanne Added, le bassiste a livré le concert attendu dans un théâtre qui commençait à regarder sa montre. Plus statique que la déferlante Trombone Shorty, l’hommage à Prince aurait eu intérêt à passer en milieu de soirée.
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