Ron Carter en trio ? Limpide, en prenant tout le temps qu’il faut dans les thèmes, dans les solos, dans cette façon de s’attendre et de se retrouver, jusqu’à cet emboîtement complice et parfait, juste rompu par la fin du set.
Une fois n’est plus coutume, Jazz à Vienne recevait hier soir le Golden Striker Trio, guitare et piano autour de la contrebasse de Ron Carter. Quasi-acoustique. Délicat. Econome en effets. Elégance en plus : cravate et pochette en seuls contrastes à des costumes sombres qui pourraient être mieux coupés. Bref, la vieille école. Mais surtout, face au théâtre antique, une atmosphère rare de club intime, le temps d’un set de toute beauté.
Un de plus me direz-vous, comme savent l’expédier ces trois musiciens d’expérience, Ron Carter à la contrebasse, Russel Malone à la guitare et Donald Vega au piano. Oui mais…..
Au menu, 7 ou 8 standards ou compos, faits sur mesure pour mettre en valeur, ensemble ou tour à tour, les trois instruments. Un déroulé si automatique en apparence qu’il ne susciterait guère d’émois ou de commentaires. Mais c’est compter sans la « patte » de ces six mains-là, qui savent partir d’un exposé banal ou anodin, souvent donné par la contrebasse, pour arriver à un moment musical rare. Chacun à l’écoute de l’autre et au service de l’autre, partageant toujours un peu plus une intimité de longue date.
A sa façon, l’alerte octogénaire donne le ton, le tempo et ce qui va avec : ne reste plus au guitariste et au pianiste de se laisser aller, seul ou en s’épaulant, seul ou en se rejoignant, avec, au centre, un Ron Carter aux anges. Lui-même donne parfois de la voix, d’une magnifique contrebasse amplifiée à minima, mais sans jamais prendre le pas sur le trio.
Au contraire, piano, guitare et contrebasse s’équilibrent à merveille, se retirent précisément au moment où on croit qu’elles s’imposent.
Les notes déliées de Donald Vega, jouées d’un doigt léger, se détachent comme autant de perles uniques, en écho aux improvisations sereines de Russel Malone. Mais c’est lorsque le trio se rejoint, sous l’amicale baguette du contrebassiste qu’on perçoit encore mieux la complexité suave de leurs si légères improvisations.
Il n’y aurait aucune raison pour que ça s’arrête, sauf que Avishai Cohen est programmé pour 22h10. Une dernière petite ovation. Ron Carter relève une dernière fois sa contrebasse, délaisse ses partitions relevées par une main charitable et se retire comme il était venu.
90 minutes, ça peut être si court.
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