Le 31 mars, est sorti Princess. Le troisième album de Susanne Abbuehl, qui chante en trio (avec piano et percussions) et qui est en résidence à l’Amphi de l’Opéra de Lyon jusqu’à ce soir. Une résidence qui sort sans doute de l’ordinaire, encore que ce mot colle fort mal à l’Amphi, qui se positionne systématiquement dans le nouveau, l’inédit ou l’extra-ordinaire.
Il faut d’abord le plus grand silence pour écouter ce filet de voix, doux et nuancé, qui s’entrelace au piano de Stephan Oliva, le tout ponctué, à peine, si peu, de quelques marques de percussions (Oyvind Hegg-Lunde). Ce qui frappe le plus ici c’est la quasi-fragilité de l’ensemble : chaque note , voix ou piano, est retenue, à peine suggérée, comme pour ne pas rompre un équilibre préexistant et magnifique.
La jeune femme est allée à bonnes écoles, nous dit-on : poussant les portes de la musique baroque, des étranges sonorités du clavecin avant de se retrouver à Los Angeles ou vers l’Inde. Autant d’expériences qui l’ont marquée et enrichie.
Est-ce ce parcours musical qui séduit même si l’on quitte ici les rivages bien repérés du jazz ? Notre Susan fabrique sous nos yeux (et oreilles) son monde musical, livre sa perception d’un son rare et qui compte d’autant plus. Là où certains en font des tonnes, elle se plaît à juste chuchoter, choisissant ses mesures pour tenter un minuscule scat, même si le terme n’a pas vraiment ici sa place. Il en ressort un univers si fragile, ténu, chuchoté, d’une rare précision comme un message clandestin qu’il faut coûte que coûte transmettre.
Certes, les mélodies sont douces, jolies, consciencieuses. L’ensemble respire une sérenité rare et épanouie. Le temps qui passe, qui délasse, qui prélasse. Mais il n’y a pas que de la joliesse dans cette musique que ne renierait surtout pas ECM. En fait, on ne saurait vous dire ce qui caractérise vraiment la voix de cette jeune femme suisse-néerlandaise (là, on vous répète ce qui nous a été dit). Comme quoi c’est bien le monde dans lequel elle nous entraîne qui, seul, compte.
Pour s’en convaincre, ou s’en rappeler, on pourra toujours se tourner vers le dernier des 3 albums parus, ce Princess de toute beauté. Une dizaine de titres où se lisent quelques autres influences : et tout d’abord Jimmy Giuffre, si insaisissable, qui semble inspirer l’album de bout en bout, même si le prophétique Don Cherry marque aussi de sa patte ce petit album précieux.
Pas sûr en tout cas qu’on retrouve le trio d’ici cet été dans les parages. Raison de plus pour ne pas laisser passer l’occasion.
Résidence de l’Amphi-Opéra de Lyon. Samedi soir 28 avril.
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