Wynton Marsalis Honoris Causa. Le trompettiste américain, statufié de son vivant à Marciac et à Vitoria-Gasteiz au pays basque espagnol, est assez friand de ce genre d’honneur.
Il est déjà docteur Honoris Causa de nombreuses universités américaines et bardé de titres et de médailles partout dans le monde incluant ceux de chevalier de la légion d’honneur et de chevalier des arts et lettres en France.
Mais ce que l’on comprend en rencontrant Wynton et en suivant en quelque sorte sa quête depuis plus de trente ans, c’est que ces honneurs et ces titres ne sont, à travers lui, qu’une étape supplémentaire franchie pour la reconnaissance du jazz comme une forme artistique majeure.
Ce combat il le mène depuis plus de vingt ans à la tête du « Jazz at Lincoln center », institution new yorkaise avec laquelle il accompli un travail tout à fait formidable pour la diffusion, le développement, le rayonnement et la reconnaissance de la musique de jazz partout dans le monde.
On pouvait craindre, comme c’est souvent le cas dans ce genre d’exercice, la longueur et le côté convenu des discours qui sont prononcés à cette occasion.
De quoi donc être surpris, deux heures après le début de la cérémonie, de nous apercevoir que cela n’avait en fait pas été du tout le cas !
Hommage à Maurice André
Il faut rendre ici hommage à Jacques Comby, le président de l’université et à ses équipes, en particulier à Vincent Balse, chef d’orchestre dans tous les sens du terme, de cette cérémonie. Ils ont su ponctuer cet après-midi de moments de musique tout a fait bienvenus.
L’entrée des participants à cette cérémonie s’est tout d’abord effectuée au son de l’ensemble de trompette du CNSMD de Lyon dirigé par Thierry Caens, ancien élève de Maurice André, jouant un morceau en l’honneur de ce grand trompettiste réalisé à l’occasion de ses 70 ans.
Wynton Marsalis a toujours revendiqué son admiration et reconnu l’influence qu’avait eu Maurice André au début de sa carrière, notamment dans son approche de la musique classique il le rappellera d’ailleurs fortement dans son discours d’acceptation.
Lyon, ville de Jazz ?
George Képénékian, a ensuite accueilli, au nom de Gérard Collomb, tous les participants, revendiquant au passage le statut de « ville de Jazz » pour la ville de Lyon en citant l’Arfi et Louis Sclavis et en rappelant devant Jean Paul Boutellier, assis au premier rang, que « Jazz à Vienne » serait aujourd’hui » Jazz à Lyon » si, à l’époque, la ville n’avait pas refusé son projet de création de festival au parc de la tête d’or.
Cela peut paraître ironique, si on fait référence à l’interview du même Louis Sclavis il y a quelques semaines dans nos colonnes, mais on verra aussi dans celle que nous a accordé Wynton, que les villes de la Nouvelle Orléans ou de New York n’aident pas franchement plus la musique de jazz alors qu’elles ont l’image de « ville de jazz ».
Jacques Comby le président de l’Université Lyon 3 a ensuite pris rapidement la parole pour rappeler que l’université était engagée dans le développement de la musique notamment par le soutien, l’accueil, dans le cadre de l’Université de l’ensemble Nova dirigé par Vincent Balse. Il évoqua aussi les projets d’échanges à venir de l’université Lyon 3 avec celle de São Paulo au Brésil pays où la musique aussi est reine.
Il laissa ainsi à Alain Asquin, 1er Vice-Président de l’université Lyon 3, lui même trompettiste de jazz, le soin de faire l’éloge du récipiendaire. On pourra retrouver l’intégralité de son discours ainsi que la réponse de Wynton Marsalis sur le site de l’université: http://www.univ-lyon3.fr.
Bien entendu Alain Asquin a rappelé le parcours de Wynton Marsalis, son talent aussi bien dans le jazz que dans la musique classique, son combat de toujours de militant de la cause du jazz et son parcours exceptionnel à la tête de Jazz at Lincoln Center, mais le plus intéressant dans cette présentation fut sa ponctuation par des moments musicaux tout à fait bien choisis et particulièrement bien exécutés.
Tout d’abord le final du concerto de Hummel, que Wynton Marsalis avait joué lors de la réception de ses premiers Grammy Awards l’année où il fut distingué, et c’est unique, à la fois dans le domaine du classique et du jazz.
L’ensemble Nova accueillait pour l’occasion un très jeune soliste, Maximilien Nardari, qui avait déjà rencontré Wynton à Marciac il y a quelque temps, une façon subtile de mettre en exergue l’attention particulière que Wynton Marsalis porte à l’éducation de la musique et sa versatilité musicale, aussi à l’aise dans le classique que dans le jazz.
Ensuite le quatuor à corde de l’ensemble Nova a joué deux mouvements de la pièce de Wynton Marsalis pour quatuor à corde » At the Octoroon Balls ».
Autre façon de souligner son attachement à la Nouvelle Orléans et à sa culture.
Enfin L’ensemble Nova nous proposa un arrangement du clarinettiste Frédéric Cellier, soliste aussi pour l’occasion, du fameux « Rhapsody in Blue » de George Gershwin. A noter que le Jazz at Lincoln Center Orchestra a donné le soir même à l’auditorium de Lyon, le même morceau dans un arrangement de Billy Strayhorn pour l’orchestre de Duke Ellington.
Attachement à la France
Dans son discours d’acceptation de ce titre Wynton Marsalis rappela son attachement, comme natif de la Nouvelle Orléans, à la France. Il rappela aussi à quel point des musiciens français comme Maurice Ravel ou Darius Milhaud eurent de l’influence sur de nombreux musiciens de jazz.
Il rappela aussi que la France, depuis l’intégration d’une brigade d’afro-américains à l’armée française lors de la Grande Guerre, fut une terre d’accueil pour de très nombreux musiciens de jazz confrontés dans leur pays à un racisme terrible, mais reconnus, de ce côté de l’Atlantique, comme des artistes avant tout. Il rappela ensuite son attachement personnel à la France et particulièrement à Marciac.
Il constata enfin que les temps étaient difficiles pour les arts en général et la musique en particulier. Il regretta que les jeunes générations soient avant tout considérées comme un marché, une cible à atteindre.
Bourbon Street parade
Il appela à une forme de vigilance devant la perte d’exigence et de qualité dans ce qui leur était proposé et à ne pas se retirer dans un entre-soi élitiste pour continuer à se battre pour que cette qualité et cette exigence soient présentes auprès du grand public et particulièrement des jeunes générations.
Tout ceci se termina par une Bourbon Street parade assez décalée sous les lustres du salon d’honneur de l’hôtel-de-ville à laquelle, selon son habitude, Wynton Marsalis ne se fit pas prier de participer…
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